• Des soirs, j’errais en lande hors du hameau natal,
    Perdu parmi l’orgueil serein des grands monts roses,
    Et les Anges, à flots de longs timbres moroses,
    Ébranlaient les bourdons, au vent occidental.

    Comme un berger-poète au cœur sentimental,
    J’aspirais leur prière en l’arôme des roses,
    Pendant qu’aux ors mourants, mes troupeaux de névroses
    ...

  • Dans le noir sillon solitaire
    Tout le jour nous avons lutté :
    Mais le soir sacre de clarté
    La plaine soudain plus austère.

    Nous rêvions — nous, gens de la terre !
    Vous, récolte, et moi, volupté.
    Un brusque angélus a tinté
    Qui...

  • Je suis dur comme un juif et têtu comme lui,
    Littéral, ne faisant le bien qu’avec ennui,
    Quand je le fais, et prêt à tout le mal possible ;

    Mon esprit s’ouvre et s’offre, on dirait une cible ;
    Je ne puis plus compter les chutes de mon cœur ;
    La charité se fane aux doigts de la langueur ;

    L’ennemi m’investit d’un fossé d’eau dormante ;
    Un parti de...

  • L’Angleterre !
    Elle s’ancrait parmi les eaux,
    Comme un immense et solide vaisseau
    Fait de granit et de terre ;
    ...

  • Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête,
    En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
    Dans tes cheveux impurs une triste tempête
    Sous l’incurable ennui que verse mon baiser.

    Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
    Planant sous les rideaux inconnus du remords,
    Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
    Toi qui sur le néant...

  •  
    Il est malade, il souffre & je ne puis rien faire,
    Rien pour le soulager, rien même pour lui plaire.
    Je n’ose m’informer tout haut de sa santé ;
    L’intérêt que j’y prends serait interprété.
    J’ai peur de l’irriter par ma sollicitude,
    Et Dieu sait cependant si mon inquiétude
    N’est pas cent fois plus vive à la cacher ainsi !
    Hélas ! veiller sur...

  • Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
    En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
    Dans tes cheveux impurs une triste tempête
    Sous l’incurable ennui que verse mon baiser :
     
    Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
    Planant sous les rideaux inconnus du remords,
    Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
    Toi qui sur le...

  •  
    Depuis que l’Horreur me fascine,
    Je suis l’oiseau de ce serpent.
    Je crois toujours qu’on m’assassine,
    Qu’on m’empoisonne ou qu’on me pend.

    L’Unité se double et se triple
    Devant mon œil épouvanté,
    Et le Simple devient multiple
    Avec une atroce clarté.

    Pour mon oreille, un pied qui frôle
    Les marches de mon escalier,
    Sur les...

  • À force d’insulter les vaillants et les justes,
    À force de flatter les trahisons augustes,
    À force d’être abject et d’ajuster des tas
    De sophismes hideux aux plus noirs attentats,
    Cet homme espère atteindre aux grandeurs ; il s’essouffle
    À passer scélérat, lui qui n’est que maroufle.
    Ce pédagogue aspire au grade de coquin.
    Ce rhéteur, ver de terre et...

  • Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse
    Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts
    Mire ses bras lointains tournés avec molesse
    Sur la peau sans couleur du ventre découvert.

    Elle vide, elle enfle d’ombre sa gorge lente,
    Et comme un souvenir pressant ses propres chairs,
    Une bouche brisée et pleine d’eau brûlante
    Roule le goût...