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    Ah ! le pourrai-je au moins ? suis-je assez intrépide ?
    Et toute belle enfin serait-elle perfide ?
    Moi, tendre, même faible, et dans l'âge d'aimer,
    Faut-il n'oser plus voir tout ce qui peut charmer ?
    Quand chacun à l'envi jouit, aime, soupire,
    Faut-il donc de Vénus abjurer seul l'empire ?
    Ne plus dire : « Je t'aime », et dormir jusqu'au jour,...

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    Ah ! ne le croyez pas que par moments j’oublie
    Et mon cœur, et l'amour, extase, poésie,
    Vous surtout, belle et douce à mes rêves secrets,
    Vous dont les purs regards font les miens indiscrets.
    Sans doute c'est plaisir d'oublier à son aise
    La tenace douleur qui déchire ou qui pèse,
    Les ennuis au fiel noir, l'argent que l'on nous doit,
    L'avenir et...

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    Sitôt que vient sur nous la souffrance avec l’âge,
    Au pays, mot charmant qui promet la santé,
    Dans le petit vallon, près du petit village,
    Si l’on peut voir fleurir l’arbre qu’on a planté ;
    Si l’on peut moissonner sans en compter le nombre,
    Des fleurs à chaque pas tout le long du chemin ;
    Si l’on peut à midi goûter le frais, sous l’ombre...

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    Germanie. Forêt. Crépuscule. Camp. Majorien à un créneau.
    Une immense horde humaine emplissant l'horizon.

    UN HOMME DE LA HORDE.

    Majorien, tu veux de l'aide. On t'en apporte.

    ...

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    Tous les hôtes joyeux sont partis, et l’aïeule,
    Errant d’un pas distrait dans le logis désert,
    Se trouve tout à coup bien étrangement seule
    En ces lieux désolés, si pleins de vie hier.

    Car il lui semble encor, derrière chaque porte,
    Entendre un pas d’enfant ou quelque cri joyeux ;

    Mais ce n’est que le vent qui, sombre et triste, emporte
    Les...

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    Ô sinistres forêts, vous avez vu ces ombres
    Passer, l'une après l'autre, et, parmi vos décombres,
    Vos ruines, vos lacs, vos ravins, vos halliers,
    Vous avez vu courir ces deux noirs chevaliers ;
    Vous avez vu l'immense et farouche aventure ;
    Les nuages, qui sont errants dans la nature,
    Ont eu cette épouvante énorme au-dessous d'eux ;
    La victoire...

  • L’aigu bruissement des ruches naturelles,
    Parmi les tamarins et les manguiers épais,
    Se mêlait, tournoyant dans l’air subtil et frais,
    À la vibration lente des bambous grêles
    Où le matin joyeux dardait l’or de ses rais.

    Le vent léger du large, en longues nappes roses
    Dont la houle indécise avivait la couleur,
    Remuait les maïs et les cannes en fleur,...

  • Des gouttes d’eau, — de l’eau de mer,
    Mêlent leur lumière fluide,
    Pâle comme les flots d’hiver,
    À tes longs doigts d’Océanide.

    Comment décrire le secret
    De leurs pâleurs froides et fines ?
    Ton regard vert semble un reflet
    Des...

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    Grand ciel, tu m’es témoin que j’étais tout enfant
    Quand par témérité j’ai demandé dés ailes ;
    Convoitant de si bas les voûtes éternelles,
    Mes vœux n’altéraient pas ton calme triomphant.

    Je me sentais mourir dans un air étouffant,
    Ciel pur ! et j’aspirais à des saisons nouvelles ;
    Et c’est ta faute aussi, puisque tu nous appelles
    Par ton...

  • Ici-bas j’ai voulu vivre mon idéal,
    Ne doutant point de moi, ne doutant de personne,
    Et croyant fermement au joli mot qui sonne,
    Et mon réveil ne fut que d’autant plus brutal.

    Passion d’idéal ! Cruelle erreur de l’âme,
    Vague parfum de fleur, stupide enchantement !
    Vaines illusions, mirage décevant
    D’un banal mot d’amour, d’un sourire de femme.

    ...