• L’ombre d’un grand nuage blanc

    Circule au loin, de plaine en plaine ;
    Un vent du sud, torpide et lent,
    Remue à peine
    Les barbes des épis et les feuilles des frênes ;
    Lorsque, soudain, rompant d’un bond
    Sa chaîne,
    S’enfuit, de la ferme prochaine,
    Un étalon.

    Ses sabots noirs cassent les pierres
    Et...

  •  
    Plein de très vieux poissons frappés de cécité,
    L'étang, sous un ciel bas roulant de sourds tonnerres,
    Étale entre ses joncs plusieurs fois centenaires
    La clapotante horreur de son opacité.

    Là-bas, des farfadets servent de luminaires
    À plus d’un marais noir, sinistre et redouté ;
    Mais lui ne se révèle en ce lieu déserté
    Que par ses bruits...

  •  
    Il est un triste lac à l'eau tranquille et noire
    Dont jamais le soleil ne vient broder la moire,
    Et dont tous les oiseaux évitent les abords.
    Un chêne vigoureux a grandi sur ses bords,
    Et, courbé par le Temps jusqu'aux ondes, étale
    Sur la cime des flots sa masse horizontale.
    Son feuillage muet se tait malgré le vent ;
    Le nymphaea, l'iris, le...

  •  
    Les longs récits autour du poêle, à la caserne,
    La guinguette et l’amour ne sont plus de saison.
    Boucle ton sac et sangle à tes reins la giberne ;
    Conscrit, le régiment change de garnison.

    La route est sèche et blanche, et lointain l’horizon ;
    Si tes pieds sont meurtris, marche dans la luzerne,
    Et ne regarde pas le houx de la taverne ;
    Les...

  • Été, roche d’air pur, et toi, ardente ruche,
    Ô mer ! Éparpillée en mille mouches sur
    Les touffes d’une chair fraîche comme une cruche,
    Et jusque dans la bouche où bourdonne l’azur ;

    Et toi, maison brûlante, Espace, cher Espace
    Tranquille, où l’arbre fume et perd quelques oiseaux,
    Où crève infiniment la rumeur de la masse
    De la mer, de la marche et...

  •  
    Et les temps n’étaient plus.

                                                    En une ombre pesante
    Se figeait lentement la Vie agonisante.
    Nul bruit dans l’air obscur ; du fond du ciel béant
    Nul souffle, descendu sur le nouveau néant,
    N’a ridé l’épaisseur léthargique des ondes
    Ni réveillé l’Esprit au sein glacé des mondes.
    La neige dans les...

  •  
    J’ai mal d’amour tant violent
    Que nul mal ne le saurait guérir...
    GUSTAVE KAHN

    Atome parmi les autres atomes,
    je flottais dans des rais de soleil ou dans l’ombre
    Je ne voulais rien qu’accomplir mon destin,
    vivre mes soirs et mes matins...
    Parce qu’un autre atome a passé,
    me voici gisant à terre et blessé...
    Il a...

  • On guette dans la multitude
    La fuite de tous ses instants.
    Au contraire, on fige le temps
    En pratiquant la solitude.

    À constamment voir le tableau
    Du monotone impérissable,
    On vit l’herbe, le grain de sable,
    Le rocher, le nuage et l’eau.

    L’âge vient à si petits pas
    Qu’il semble qu’on n’assiste pas
    À ses lentes métamorphoses :

    ...
  •  
    Quand on est sur la terre étendu sans bouger,
    Le ciel paraît plus haut, sa splendeur plus sereine ;
    On aime à voir, au gré d’une insensible haleine,
    Dans l’air sublime fuir un nuage léger ;

    Il est tout ce qu’on veut : la neige d’un verger,
    Un archange qui plane, une écharpe qui traîne,
    Ou le lait bouillonnant d’une coupe trop pleine ;
    On le...

  •  
    Par les nuits sublimes d’été,
    Sous leur dôme d’or et d’opale,
    Je demande à l’immensité
    Où sourit la forme idéale.

    Plein d’une angoisse de banni,
    A travers la flore innombrable
    Des campagnes de l’infini,
    Je poursuis ce lis adorable…

    S’il brille au firmament profond,
    Ce n’est pas pour moi qu’il y brille :
    J’ai beau chercher,...