• J’ai pour Polichinel un fond de vieille haine :
    Ce méchant contrefait rend la gaîté malsaine,
    Et Guignol est un sot, l’ayant choisi bossu,
    Et le montrant brutal, de l’avoir fait cossu.
    Quel profit pour le goût de nos chers petits singes !
    C’est la difformité qui porte les beaux linges.
    Et quel exemple aussi ! ce pourpoint brodé d’or
    Orne à ses yeux...

  • Mon Dieu ! toi qui sais tout, oh ! ne m’ordonne pas
    D’atteindre aux sombres jours de la froide vieillesse ;
    De voir mon corps s’user, et tomber pièce à pièce,
    Et la destruction me gagner pas à pas ;
    D’être un morne objet d’épouvante,
    ...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d’Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
    O terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l’ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin chasse...

  • Quand le Titan roula des voûtes immortelles,
    Foudroyé par le bras du Kronide irrité,
    Les pleurs ne mouillaient point ses farouches prunelles.
    Il se sentait vaincu, mais toujours indompté.

    Sous l’ongle du vautour à ses flancs incrusté,
    Il amassait en lui les douleurs fraternelles,
    Et gardait sur son front, meurtri de grands coups d’ailes,
    L’espoir de...

  • Quand la Rome d’orgie, après le moindre choc,
    Tombait de pourriture, ayant au cœur son chancre,
    Ou comme un vieux vaisseau, désarmé de son ancre,
    Sur une mer de sang sombrait de roc en roc ;

    Guettant mourir la ville, enfoui sous son froc,
    Un sale Juif, avec ses maigres doigts de cancre,
    Mêlait, broyait le fiel et la fange au lieu d’encre,
    Pour...

  • Le vent nocturne, que parfume
    L’odeur fraîche des floraisons,
    Fait tinter à travers la brume
    Les flots sonores des chansons.

    Le charme d’un frisson lunaire
    Court et palpite dans la voix
    Qui bruit argentine et claire
    Sous le silence obscur du bois.

    Le sommeil sourd des rameaux sombres
    Emplit mystérieusement
    L’horreur frissonnante des...

  • Pour aimer une fois encor, mais une seule,
    Je veux, libertin repentant,
    La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule,
    Sans m’avoir jamais vu, m’attend.

    Elle est pieuse et sage ; elle dit ses...

  • Je voudrais me plonger dans la source féconde
    Où l’herbe au sable fin mêle ses verts réseaux,
    Et reposer auprès de la Naïade blonde
    Qui s’épanouit là comme une fleur des eaux.

    Moi-même j’épandrais de son urne profonde
    La nappe bleue et claire où tremblent les roseaux ;
    Et parfois je ferais envoler des oiseaux,
    Pour voir le reflet noir de leurs ailes...

  • C’était au sombre temps des guerres sans merci :
    Des cadavres hideux couvraient le sol durci
    Par la neige, et souvent se balançaient aux branches.
    Quiconque, en cet hiver, parmi les plaines blanches,
    Se fût aventuré la nuit, eût entendu
    Maint arbre secouer dans l’ombre son pendu.

    Dans un bourg entouré de marais insalubres
    Et bâti de maisons noires,...

  • Morne fatalité, Vieillesse, horreur des yeux,
    O Vieillesse, ironie amère dont les Dieux
    Se plaisent à railler le néant que nous sommes,
    Toi par qui les plus beaux et les meilleurs des hommes
    Sont déchus, dégradés, sont tout chargés de maux,
    Et courbés vers le sol comme des animaux,
    Pourquoi subissons-nous l’horreur de ton outrage ?
    — Dieux du sublime...