• La coupe où sans regret tu versas l’affreux vin
    Reste la coupe d’or d’un échanson divin !

    La nuit qui scintillait quand nous nous séparâmes
    Reste l’ombre étoilée où montaient nos deux âmes !

    La fleur qui mourra loin de tes profonds cheveux
    Reste l’œillet béni qui servait les aveux !

    Le vent qui passe et prend le baiser qu’on oublie
    Reste le messager...

  • La vie et la douleur m’ont appris la sagesse,
    La voici : l’amour est mortel.
    Il meurt même avant nous, et l’homme, en sa détresse,
    N’a point d’ennemi plus cruel.

    Qu’est-ce donc que la vie ?...

  • L’Europe renaissait, et la pensée humaine
    Si longtemps prisonnière allait rompre sa chaîne ;
    Jours de lutte et de sang pleins d’ombre et de soleil.
    Déjà la Renaissance et son éclat vermeil
    Avaient illuminé la nuit sombre du cloître.
    L’esprit voulait enfin s’affranchir et s’accroître ;
    Et, bravant l’Empereur, et le Pape, et l’Enfer,
    De sa voix d’ouragan...

  • O pauvre oiseau blessé, mis à mort par la vie !
    Cœur qui battais trop fort, cœur trop doux et trop fier,
    Te voilà replié sous ton aile engourdie
    Et tu ne sais plus rien des souffrances d’hier.

    Quoi ! la rigidité ! Quoi ! la paix immobile !
    Quoi ! le combat cessé ! Quoi ! la trêve de Dieu !
    O lutteur désarmé de ta force inutile
    Et qui te réservais ton...

  • S’il arrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
    Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
    Si, dans le sentier rude avançant lentement,
    Cette âme s’arrêtait à quelque dévoûment,
    Si c’était la Bonté sous les cieux descendue,
    Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
    Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
    Si l’espoir de...

  • Suspendue aux rameaux plus qu’obligeants d’un frêne,
    Tu t’inclines vers l’eau limpide de la Seine :
    Ton visage charmant s’y reflète, et tu ris.
    Très-bien. C’est un miroir qui vaut ceux de Paris.
    Mais, prends bien garde, enfant ! si tout à coup le fleuve
    Te volait ton image exquise et toute neuve,
    Et s’en allait, joyeux, la porter à la mer !…
    Vois-tu...

  • Oh ! non, pas un blasphème et pas un désaveu,
    Mais je tombe, Seigneur, et je me désespère,
    Mais quand ils ont planté le gibet du Calvaire,
    C’est dans mon cœur ouvert qu’ils enfonçaient le pieu.

    Crois-tu que je t’aimais, moi, dont le manteau bleu
    T’abrita quatorze ans comme un fils de la terre ?
    Oh ! pourquoi, juste ciel, lui donner une mère,
    Qu’en...

  • Comme nous revenions du Bois, un soir de mai,
    Un de ces tièdes soirs où notre âme amollie
    Se laisse aller au fil de la mélancolie,
    Pour s’être trop mirée aux yeux de l’être aimé,

    Elle s’assit, très-triste, au fond d’une causeuse ;
    Et sur le velours sombre et vert, son front pâli
    Ressortit lumineux dans un jour affaibli,
    Le jour mystérieux et doux d’...

  • Sous les abris pompeux des hautes colonnades,
    Et dans les carrefours bruyants du vieux Paris,
    Que j’ai suivi de fois vos lentes promenades,
    Logogriphes vivants, sphinx par moi seul compris !

    La foule en vous voyant s’écarte méprisante,
    Car vos habits sont vieux, et vos manteaux usés,
    Mais moi, je vous observe et je me représente
    Les drames qu’ont...

  • L’âme écoute toute ravie
    Le rossignol qui chante en vous :
    Vous feriez adorer la vie,
    En l’éclairant de vos yeux doux.

    Votre voix a le charme étrange
    Les appels d’oiseau dans les bois :
    Vous rappelez cette mésange
    Qu’un pauvre moine d’autrefois

    Écouta pendant cent années
    Chanter au fond d’une forêt :
    Les fleurs pleuraient...