Oui ! les cœurs sont muets et les âmes sont sourdes.
Ce siècle est sombre ; l’air, chargé de vapeurs lourdes,
Roule, dans un brouillard confus, des hurlements
Vagues, mêlés de cris et de gémissements.
La femme pleure et meurt : l’homme pleure et s’affaisse ;
L’enfant pleure et s’éteint ; et, sous la nuit épaisse
Et formidable, on voit serpenter dans les airs...
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  Fatigué des méchants et des sots : — soucieux 
 Des lâchetés d’un monde immoral et factice,
 Je fuis vers l’horizon d’où viendra la Justice,
 Et je hais les vivants quand je songe aux aïeux.Une femme, aux baisers chastes et sérieux, 
 A trempé ma fierté dans son amour complice ;
 Et je lui dis : — « Quand tu craindras que je faiblisse,
 » Mets la main sur...
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  Que tes yeux sont charmants et profonds : ils sont plus 
 Immenses que la mer et plus infinis qu’elle :
 Les horizons, qu’emplit la houle de son flux,
 Sont moins lointains que ceux qu’on voit en ta prunelle.Ma contemplation s’abîme dans tes yeux, 
 Mer idéale dont les houles fantastiques
 Sur leur indéfini vague et silencieux
 Bercent languissamment mes...
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  Rassure-toi : — La Mort est bien le vrai sommeil 
 Et l’on peut s’endormir sans craindre le réveil
 Et l’importunité des songes qui nous leurrent ;
 La Mort terrible est douce ; et dit à ceux qui pleurent :
 « Venez, vous oublîrez. » — Elle dit aux vaincus
 Comme nous : — « Venez tous ; vous ne lutterez plus.
 » Venez, dans le lait noir de mes noires mamelles,...
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  Sous les rayons vivants de tes chaudes prunelles 
 Le jardin de mon cœur fleurit abondamment,
 Et l’encens de ses fleurs transparentes et belles
 Parfume la splendeur tiède du ciel charmant.La fraîcheur des ruisseaux baigne d’un doux murmure 
 Le sommeil lent et sourd des bois extasiés :
 Le vent harmonieux bruit sous leur ramure
 Et les gazhels d’Hudhud...
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  Qu’il est inquiet, le mercure ! 
 — Inquiet autant que mon cœur ! —
 Quand une surface bien pure
 Étale sous lui sa longueur.Il hésite, il palpite, il tremble, 
 Inquiet, sans but et sans loi.
 Oh ! comme mon cœur lui ressemble
 Lorsque mon cœur est loin de toi.Mais quand, épanchant ma tristesse 
 Dans le ciel rêveur de tes yeux,
 Je vois l’...
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  Voici la saison fraîche et rose 
 Où, se levant dans un ciel pur,
 Le soleil jeune et blond arrose
 Les pâleurs moites de l’azur.L’Hiver, accroupi dans la pose 
 D’un vieux mendiant contre un mur,
 Grelotte à l’Occident morose
 Que remplit un brouillard obscur,Mais, se déroulant comme une onde, 
 Une large lumière inonde
 L’Orient vague et...
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  Une nuit grise emplit le morne firmament ; 
 Comme un troupeau de loups, errant à l’aventure
 Dans la nuit, et rôdant autour de leur pâture,
 Le vent funèbre hurle épouvantablement.Le brouillard, que blanchit un tourbillonnement 
 Neigeux, se déchirant ainsi qu’une tenture,
 On voit, parfois, au fond d’une sombre ouverture,
 Le soleil rouge et froid qui luit...
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  Le vent nocturne, que parfume 
 L’odeur fraîche des floraisons,
 Fait tinter à travers la brume
 Les flots sonores des chansons.Le charme d’un frisson lunaire 
 Court et palpite dans la voix
 Qui bruit argentine et claire
 Sous le silence obscur du bois.Le sommeil sourd des rameaux sombres 
 Emplit mystérieusement
 L’horreur frissonnante des...
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  Oui, certes, la matière était splendide et pure 
 Dans laquelle les doigts de la grande Nature
 Ont avec tant d’amour ciselé sa beauté ;
 Et rien n’est glorieux comme cette fierté
 Tranquille, dont l’ampleur souple et majestueuse
 Revêt nonchalamment sa grâce fastueuse.
 J’aime son front de marbre impassible, et son œil
 Où rayonne le froid soleil de son...
