Le Parnasse contemporain/1866/Exil

Fatigué des méchants et des sots : — soucieux
Des lâchetés d’un monde immoral et factice,
Je fuis vers l’horizon d’où viendra la Justice,
Et je hais les vivants quand je songe aux aïeux.

Une femme, aux baisers chastes et sérieux,
A trempé ma fierté dans son amour complice ;
Et je lui dis : — « Quand tu craindras que je faiblisse,
» Mets la main sur mon cœur et regarde mes yeux.

» Va : devant les vainqueurs et ceux qui leur font fête,
» Je n’humilîrai point l’orgueil de la Défaite ;
» J’aime en toi la splendeur de ce que nous aimons.

» Du moins, dans les mauvais hasards des aventures,
» J’ai su placer nos Dieux plus haut que les injures
» Et mon cœur est un temple isolé sur les monts ! »

Collection: 
1971

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À Henri Winter.

Minuit faisait jaillir, comme des étincelles,
Les gerbes de ses sons qui, palpitant des ailes,
Montaient et vibraient en tremblant,
L'air était sec et vif ; la nuit calme et splendide ;
Et le dôme du ciel, sans vapeur et sans ride,
Était...

Puisse ma libre vie être comme la lande
Où sous l'ampleur du ciel ardent d'un soleil roux,
Les fourrés de kermès et les buissons de houx
Croissent en des senteurs de thym et de lavande.

J'admire, dédaigneux des vagues mélopées
Qu'entonnent nos rimeurs sinistres ou plaintifs,
L'épanouissement des vastes épopées
Balançant leurs parfums dans les vents primitifs.

Les jeunes univers dilatés et sonores,
S'abreuvaient de la vie, éparse dans les airs,...

Quelques feuilles, guirlande verte,
Environnent de leur émail
Cette jeune rose entrouverte,
Petite coupe de corail.

Ses pétales aux teintes blondes,
Dont la nacre rose pâlit,
Se frisent et semblent les ondes
Du frais parfum qui la remplit.

Vois-...

On dirait que ce vent vient de la mer lointaine ;
Sous des nuages blonds l'azur du ciel verdit,
Et, dans l'horizon blême, une brume incertaine
S'amasse à flot épais, se dilate et grandit.

Elle éteint le dernier éclat du soleil pâle
Qui plonge et s'enfouit dans le...