• Nous habiterons un discret boudoir,
    Toujours saturé d'une odeur divine,
    Ne laissant entrer, comme on le devine,
    Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.

    Une blonde frêle en mignon peignoir
    Tirera des sons d'une mandoline,
    Et les blancs rideaux tout en mousseline
    Seront réfléchis par un grand miroir.

    Quand nous aurons faim, pour...

  • Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
    " Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? "
    - Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite,
    Excepté la candeur de l'antique animal,

    Ne veut pas te montrer son secret infernal,
    Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite,
    Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
    Je hais la...

  • " Où es-tu ? ", disait-elle, errant sur le rivage
    Où des saules trempaient leurs feuillages tremblants ;
    Et des larmes d'argent coulaient dans ses doigts blancs
    Quand elle s'arrêtait, les mains sur son visage.

    Et lui, errant aussi sur un sable sauvage
    Où des joncs exhalaient de longs soupirs dolents,
    Sous la mort du soleil, au bord des flots sanglants...

  • L'âme sortant du corps du Roi de l'univers,
    Prenant le bois sacré que l'agneau sans macule
    Avait oint de son sang, ainsi que fit Hercule,
    Magnanime guerrier, elle vint aux enfers.

    Là d'un coup de la croix, elle verse à l'envers
    Les huis impérieux de la maison qui brûle,
    Épouvante Pluton qui confus se recule.
    Elle en tira les siens, y laissant les...

  • Que suis-je, hélas ! et de quoi sert ma vie ?
    Je ne suis fors qu'un corps privé de coeur,
    Une ombre vaine, un objet de malheur,
    Qui n'a plus rien que de mourir envie.

    Plus ne portez, ô ennemis, d'envie
    A qui n'a plus l'esprit à la grandeur,
    Ja consommé d'excessive douleur.
    Votre ire en bref se verra assouvie.

    Et vous, amis, qui m'avez...

  • Quand l'avenir pour moi n'a pas une espérance,
    Quand pour moi le passé n'a pas un souvenir,
    Où puisse, dans son vol qu'elle a peine à finir,
    Un instant se poser mon âme en défaillance ;

    Quand un jour pur jamais n'a lui sur mon enfance,
    Et qu'à vingt ans ont fui, pour ne plus revenir,
    L'Amour aux ailes d'or, que je croyais tenir,
    Et la Gloire...

  • Des croquis de concert et de bals de barrière ;
    La reine Marguerite, un camaïeu pourpré ;
    Des naïades d'égout au sourire éploré,
    Noyant leur long ennui dans des pintes de bière ;

    Des cabarets brodés de pampre et de lierre ;
    Le poète Villon, dans un cachot, prostré ;
    Ma tant douce tourmente, un hareng mordoré,
    L'amour d'un paysan et d'une...

  • Vous que second la noble France honore,
    Pouvez cueillir par ces prez florissans
    Oeilletz pour vous seul s'espanouyssans,
    Escloz ensemble avec la belle Aurore ;

    Pour vostre front le rosier se colore,
    Dont les chappeaux si hault lieu cognoissans,
    Forment boutons de honte rougissans,
    Sçachant que mieulx vous appartient encore.

    Ceincte de...

  • intitulé "Advertissement sur les jugemens d'Astrologie,
    A une studieuse Damoiselle"


    Ne craignez point, plume bien fortunee
    Qui vers le ciel vous allez eslevant,
    Faire ruyne, Icarus ensuivant,
    Qui trop haulsa l'oesle mal empennee.

    Du beau soleil où estes destinee
    Vous n'irez point la chaleur esprouvant,
    Mais deviendrez, soubs ses...

  • à Esclairon


    Je suis jaloux, je le veulx confesser,
    Non d'aultre amour qui mon coeur mette en crainte,
    Mais des amys de la parolle saincte,
    Pour qui j'ai veu madame me laisser.

    Je commençois à propos luy dresser
    Du jeune archier dont mon ame est attainte,
    Quand, s'esloignant de moy et de ma plainte,
    A un prescheur elle alla s'...