• Ma chope est de cristal, de cristal de Bohême,
    Brillante comme un prisme. Au fond, pour mon malheur,
    Un sot artiste a peint une petite fleur ;
    Hélas ! je me serais passé de cet emblème.

    Ma chope est de cristal ; en hiver, en été,
    Dans la taverne, ou bien sous la tonnelle, j’aime,
    Comme toi, blond buveur, buveur au diadème,
    Gambrinus, la remplir, quand...

  • Le soleil s’est levé rouge comme une sorbe
    Sur un étang des bois : — il arrondit son orbe
    Dans le ciel embrumé comme un astre qui dort ;
    Mais le voilà qui monte en éclairant la brume,
    Et le premier rayon qui brusquement s’allume
    A toute la forêt donne des feuilles d’or.

    Et sur les verts tapis de la grande clairière,
    Ferme dans ses sabots, marche en...

  • Bon ! des travaux d’autrui tu passes la revue,
    D’un œil inquisiteur et d’un soin sans égal
    Tu cherches ; mais, hélas ! ton œil a courte vue…
    Ton repas de chercheur est un repas frugal.

    Et pourtant tu jouis à l’aubaine entrevue ;
    Tu signales le point que tu crois illégal ;
    Tout fier, tu dis : — « Voyez ! j’ai trouvé la bévue ! »
    Et tes mains d’un bravo...

  • Vous ne m’aimez plus, je le pense ;
    Et j’en suis triste — par malheur ! —
    Cela fait un mois de constance :
    Après tout, c’est beaucoup d’honneur.

    Quittons-nous donc à l’échéance,
    Sans prendre le ton querelleur ;
    A vous l’oubli, l’indifférence,
    Moi, — je garderai la douleur !

    En vérité, je n’ose guère
    Rappeler l’heure — passagère !
    ...

  • Lorsque nous revenons de Perpignan la nuit,
    Vers toi mon cœur plus libre et plus léger s’élance
    Vers tes yeux alanguis de noble nonchalance,
    Pôle mystérieux dont l’aimant me conduit.

    Une douceur lactée emplit les cieux : le bruit
    Glisse mélodieux à travers le silence.
    L’apaisement s’étend ainsi qu’une aile immense ;
    La clarté pacifique aux fronts des...

  • Quand le Titan roula des voûtes immortelles,
    Foudroyé par le bras du Kronide irrité,
    Les pleurs ne mouillaient point ses farouches prunelles.
    Il se sentait vaincu, mais toujours indompté.

    Sous l’ongle du vautour à ses flancs incrusté,
    Il amassait en lui les douleurs fraternelles,
    Et gardait sur son front, meurtri de grands coups d’ailes,
    L’espoir de...

  • Le vent nocturne, que parfume
    L’odeur fraîche des floraisons,
    Fait tinter à travers la brume
    Les flots sonores des chansons.

    Le charme d’un frisson lunaire
    Court et palpite dans la voix
    Qui bruit argentine et claire
    Sous le silence obscur du bois.

    Le sommeil sourd des rameaux sombres
    Emplit mystérieusement
    L’horreur frissonnante des...

  • Pour aimer une fois encor, mais une seule,
    Je veux, libertin repentant,
    La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule,
    Sans m’avoir jamais vu, m’attend.

    Elle est pieuse et sage ; elle dit ses...

  • Morne fatalité, Vieillesse, horreur des yeux,
    O Vieillesse, ironie amère dont les Dieux
    Se plaisent à railler le néant que nous sommes,
    Toi par qui les plus beaux et les meilleurs des hommes
    Sont déchus, dégradés, sont tout chargés de maux,
    Et courbés vers le sol comme des animaux,
    Pourquoi subissons-nous l’horreur de ton outrage ?
    — Dieux du sublime...

  • Dernier rameau d’un tronc pourri,
    Dernier feuillet d’un vilain livre,
    Dernière injure, dernier cri
    Que poussera l’univers ivre ;

    Toi qui baisseras le rideau,
    Dernier acteur du noir théâtre,
    Dernier torturé du bourreau,
    Dernier enfant de la marâtre ;

    Toi qui viendras au dernier rang
    Dans la procession humaine,
    Désespéré, sombre et...