•  
    Nature de rêveur, tempérament d’artiste,
    Il est resté toujours triste, horriblement triste.
    Sans savoir ce qu’il veut, sans savoir ce qu’il a,
    Il pleure ; pour un rien, pour ceci, pour cela.
    Aujourd’hui c’est le temps, demain c’est une mouche,
    Un rossignol qui fausse, un papillon qui louche…
    Son corps est un roseau, son âme est une fleur,
    Mais...

  •  
    I

    Sous le regard de Dieu, ce témoin taciturne,
    Dix ans — déjà dix ans ! — ont renversé leur urne
    Dans ce tonneau sans fond qu’on nomme Éternité,
    Depuis que, délaissés dans leur tombe anonyme,
    A tous les carrefours, sous le pavé sublime,
    Gisent les saints martyrs morts pour la Liberté I

    Une terre jetée à la hâte les couvre.
    Ceux-ci,...

  • Au citoyen Élie MAY.

    Le peuple sent qu’il est trahi,
    C’est trop aboyer à la lune.
    L’Hôtel de Ville est envahi,
    Paris, proclame ta Commune !

    A-t-on pris à Sainte-Périne
    Tous ces dictateurs impotents ?
    Leur ton dolent, leur voix chagrine,
    Déconcertent les combattants.
    On les voit, quand la France expire,
    Reboucler...

  •  
    Je disais l’an passé : voici le jour de fête,
    Charles m’attend : je veux, ceignant de fleurs ma tête,
    M’offrir avec ma fille à son premier coup d’œil ;
    Quand ce jour reviendra, ramené par l’année,
    Si je lui porte un fils, fruit de notre hyménée,
    Mon bonheur sera de l’orgueil.

    L’année a fui : voici le jour de fête !
    Est-ce une fête, hélas ! que...

  • Je me disais : — Cet homme est-il un saltimbanque ?
    Ne faut-il pas le plaindre ? Est-ce un sens qui lui manque ?
    Il ne comprend donc pas ? Est-ce un aveugle-né ?
    Un bègue ? Un sourd ? D’où vient que ce triste obstiné
    Méconnaît tout génie et toute gloire, et rampe,
    Tâchant d’éteindre l’astre et de souffler la lampe,
    Et déchire, dénigre, insulte, blesse, nuit...

  •  
    I

    Abel, doux confident de mes jeunes mystères,
    Vois ; Mai nous a rendu nos courses solitaires.
    Viens à l'ombre écouter mes nouvelles amours ;
    Viens. Tout aime au printemps et moi j'aime toujours.
    Tant que du sombre hiver dura le froid empire,
    Tu sais si l'aquilon s'unit avec ma lyre.
    Ma muse aux durs glaçons ne livre point ses pas ;
    ...

  •  
    Jeune homme sans mélancolie,
    Blond comme un soleil d’Italie,
    Garde bien ta belle folie.
     
    C’est la sagesse ! Aimer le vin,
    La beauté, le printemps divin,
    Cela suffit. Le reste est vain.
     
    Souris, même au destin sévère !
    Et quand revient la primevère,
    Jettes-en les fleurs dans ton verre.
     
    Au corps sous la tombe...

  • X

    Dans les vieilles forêts où la sève à grands flots
    Court du fût noir de l’aulne au tronc blanc des bouleaux,
    Bien des fois, n’est-ce pas ? à travers la clairière,
    Pâle, effaré, n’osant regarder en arrière,
    Tu t’es hâté, tremblant et d’...

  • Qu’il est doux d’être au monde, et quel bien que la vie !
    Tu le disais ce soir par un beau jour d’été.
    Tu le disais, ami, dans un site enchanté,
    Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie.

    Nos chevaux, au soleil, foulaient l’herbe fleurie.
    Et moi, silencieux, courant à ton côté,
    Je laissais au hasard flotter ma rêverie ;
    Mais dans le fond du coeur je...

  •  
    Tu n’as jamais sondé des yeux l’immensité
    De nos bois giboyeux, de nos fertiles plaines ;
    Notre fier Saint-Laurent n’a jamais reflété
    Ta voile dans les plis de son grand flot bleuté.
    Et tu t’épris pourtant des plages canadiennes.

    Tu chéris le passé qu’avec tant de succès
    Crémazie évoqua sur sa lyre attendrie.
    Notre histoire, là-bas, t’enflamme...