• C'est faict, mon coeur, quitons la liberté.
    Dequoy meshuy serviroit la deffence,
    Que d'agrandir et la peine et l'offence ?
    Plus ne suis fort, ainsi que j'ay esté.

    La raison fust un temps de mon costé,
    Or, revoltée, elle veut que je pense
    Qu'il faut servir, et prendre en recompence
    Qu'oncq d'un tel neud nul ne feust arresté.

    S'il se faut...

  • Ô coeur léger, ô courage mal seur,
    Penses tu plus que souffrir je te puisse ?
    Ô bonté creuze, ô couverte malice,
    Traitre beauté, venimeuse doulceur !

    Tu estois donc tousjours seur de ta soeur ?
    Et moy, trop simple, il falloit que j'en fisse
    L'essay sur moy, et que tard j'entendisse
    Ton parler double et tes chantz de chasseur ?

    Despuis le...

  • Mon sang est tout gelé, je n'ai plus dans le coeur
    De pouvoir pour encor entretenir ma vie,
    Mes nerfs sont retirés et je sens amortie
    La vertu qui tenait mes esprits en chaleur.

    Mes os n'ont plus en eux cette agréable humeur
    Qui les entretenait, et ma force est faillie,
    De mon cerveau séché goutte à goutte est sortie
    La douce humidité qui lui...

  • Voulez-vous voir mon coeur, ouvrez-moi la poitrine,
    Vous y verrez les traits de vos rares beautés,
    Vous verrez en mon sang mille diversités
    Émues par l'amour qui par vous y domine.

    Vous y verrez l'ardeur de ma flamme divine,
    Vous verrez tout au près mes poumons agités
    Qui soupirent pour vous, et mille cruautés
    Exciter la rigueur qui ma vie termine...

  • Rondeau

    Coeur prisonnier, je vous le disais bien,
    Qu'en la voyant vous ne seriez plus mien
    Si j'eusse eu lors le sens de vous entendre...
    Moi qui eût pu deviner ni attendre
    Qu'un si grand mal advînt d'un si grand bien ?

    Puisqu'ainsi est, bienheureux je vous tien
    D'être arrêté à si noble lien,
    Pourvu aussi qu'elle vous veuille prendre...

  • Embrasse-moi, mon coeur, baise-moi, je t'en prie,
    Presse-moi, serre-moi ! À ce coup je me meurs !
    Mais ne me laisse pas en ces douces chaleurs :
    Car c'est à cette fois que je te perds, ma vie.

    Mon ami, je me meurs et mon âme assouvie
    D'amour, de passions, de plaisirs, de douceurs,
    S'enfuit, se perd, s'écoule et va loger ailleurs,
    Car ce baiser larron...

  • Qui sont, qui sont ceux-là, dont le coeur idolâtre
    Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs,
    Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs,
    Et ces âmes d'Ebène, et ces faces d'Albâtre ?

    Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
    S'amuse à caresser je ne sais quels donneurs
    De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
    De vaincre encor le Ciel...

  • Mon coeur ne te rends point à ces ennuis d'absence,
    Et quelque forts qu'ils soient sois encore plus fort,
    Quand même tu serais sur le point de la mort
    Mon coeur, ne te rends point, et reprends ta puissance.

    Que si tant de combats te donnent connaissance
    Que tu n'es pas toujours pour rompre leur effort,
    Garde-toi de tomber en un tel déconfort
    Que...

  • Du triste coeur vouldrois la flamme estaindre,
    De l'estomac les flesches arracher,
    Et de mon col le lien destacher,
    Qui tant m'ont peu brusler, poindre et estraindre ;

    Puis l'ung de glace et l'aultre de roc ceindre,
    Le tiers de fer apris à bien trencher,
    Pour amortir, repousser et hascher
    Foeuz, dardz et neuds, sans plus les debvoir craindre....

  • Cheveux crêpes et longs où mon coeur se désire
    Aise d'être enlacé d'un ferme enlacement,
    Bouche au teint vermeillet où mon contentement
    Se voit peint sur ton bord qui le basme soupire,

    Beaux yeux, mes doux flambeaux par qui seuls je respire,
    Beauté, le seul objet de mon entendement,
    Vous voyant un désir m'enflamme doucement,
    Qui du vulgaire lourd...