Jean de Sponde

  • Si tant de maux passez ne m'ont acquis ce bien,
    Que vous croyez au moins que je vous suis fidelle,
    Ou si vous le croyez, qu'à la moindre querelle
    Vous me faciez semblant de n'en plus croire rien ;

    Belle, pour qui je meurs, belle, pensez vous bien
    Que je ne sente...

  • Voulez-vous voir ce traict qui si roide s'eslance
    Dedans l'air qu'il poursuit au partir de la main ?
    Il monte, il monte, il perd : mais helas ! tout soudain
    Il retombe, il retombe, et perd sa violence.

    C'est le train de noz jours, c'est ceste outrecuidance
    Que...

  • Mon Soleil qui brillez de vos yeux dans mes yeux,
    Et pour trop de clarté leur ôtez la lumière,
    Je ne vois rien que vous, et mon âme est si fière
    Qu'elle ne daigne plus aimer que dans les cieux.

    Tout autre amour me semble un enfer furieux
    Plein d'horreur et de...

  • Ma belle languissait dans sa funeste couche
    Où la mort ces beaux yeux de leurs traits désarmait,
    Et le feu dans sa moëlle allumé consumait
    Les lys dessus son front, les roses sur sa bouche.

    L'air paraissait autour tout noir des nuits funèbres
    Qui des jours de...

  • Mais si faut-il mourir ! et la vie orgueilleuse,
    Qui brave de la mort, sentira ses fureurs ;
    Les Soleils haleront ces journalieres fleurs,
    Et le temps crevera ceste ampoule venteuse.

    Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
    Sur le verd de la cire esteindra...

  • Que faites-vous dedans mes os,
    Petites vapeurs enflammées,
    Dont les pétillantes fumées
    M'étouffent sans fin le repos ?

    Vous me portez de veine en veine
    Les cuisants tisons de vos feux,
    Et parmi vos détours confus
    Je perds le cours de mon haleine....

  • Mortels, qui des mortels avez pris vostre vie,
    Vie qui meurt encor dans le tombeau du Corps,
    Vous qui r'amoncelez vos tresors, des tresors
    De ceux dont par la mort la vie fust ravie :

    Vous qui voyant de morts leur mort entresuivie,
    N'avez point de maisons que...

  • Tout le monde se plaint de la cruelle envie
    Que la nature porte aux longueurs de nos jours :
    Hommes, vous vous trompez, ils ne sont pas trop cours,
    Si vous vous mesurez au pied de vostre vie.

    Mais quoy ? je n'entens point quelqu'un de vous qui die :
    Je me veux...

  • Je meurs, et les soucis qui sortent du martyre
    Que me donne l'absence, et les jours, et les nuits
    Font tant qu'à tous moments je ne sais que je suis,
    Si j'empire du tout ou bien si je respire ;

    Un chagrin survenant mille chagrins m'attire
    Et me croyant aider moi-...

  • Je contemplais un jour le dormant de ce fleuve
    Qui traîne lentement les ondes dans la mer,
    Sans que les Aquilons le fassent écumer
    Ni bondir, ravageur, sur les bords qu'il abreuve.

    Et contemplant le cours de ces maux que j'épreuve,
    Ce fleuve, dis-je alors, ne...