• Près de la Setch guerrière aux huttes sans clôture
    Un Zaporogue dort sur la route, en travers,
    Pareil aux demi-dieux dont en leurs anciens vers
    Les Cobzars ont chanté l’héroïque stature.

    L’or de son caftan turc et sa riche ceinture
    De boue et de goudron par mépris sont couverts ;
    Vingt fois de son sang libre il a teint les prés verts ;
    Il prend la vie...

  • « Fils, avec le Kourèn ce soir tu partiras :
    Les Tatars ont brûlé sur le Don un village.
    Mais avant, fils, je veux, robuste malgré l’âge,
    Par moi-même éprouver la force de ton bras. »

    La houppe de cheveux flotte sur leur cuir ras,
    Ils déposent leurs peaux de buffle au noir pelage,
    Arrêtent près du camp leur pesant attelage,
    Et, dans la steppe immense...

  • « Tu veux partir, ma fille ? et suivre malgré moi
    Cet Étranger rusé, sans pudeur et sans foi ?
    Pars, fille impie ; et vous, ô terribles Déesses,
    Nocturnes, aux cheveux de serpents, vengeresses !
    Suivez-la sur la nef de l’Époux triomphant,
    Furieuses et plus rapides que le vent ! »

    O cité de Kadmos ! Thébè, chère patrie !
    Je ne repose pas sous une herbe...

  • Un souvenir d’enfance, assoupi dans mon cœur,
    Que le retour de Mars joyeusement réveille,
    C’est celui d’une Enseigne où trône une bouteille
    Qu’emplit, ô Cambrinus, ta fougueuse liqueur :

    Caressant d’un colback haut le plumet vainqueur
    (Cependant que déjà butine aux champs l’abeille),
    Deux houzards moustachus, attablés sous la treille,
    Sont là, prêts à...

  • Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
    S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
    L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
    Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
    Dans l’âme fraîche du printemps.

    Sur l’herbe où la rosée a trempé leurs pieds...

  • L’Éternel s’ennuyait dans l’immensité vide ;
    Rien n’existait. C’était le règne du Néant.
    Du fond de l’Infini, gouffre morne et béant,
    Un hymne répondit à son désir avide.

    De ce désir, le Monde avait jailli, splendide.
    Il avait dévoilé sa face en le créant,
    Et l’homme, nain sublime aux instincts de géant,
    L’adorait humblement dans son âme candide....

  • J’ai mon sein, j’ai dans mon âme
    Un désir d’amour étouffant :
    Que veut mon rêve ? est-ce une femme,
    Blonde et pure comme une enfant ?

    Est-ce une vierge qui m’attire,
    Pâle sous l’or de ses cheveux ?
    J’aime et j’étouffe et ne sais dire,
    Ô mon cœur fou, ce que tu veux.

    Pourquoi, quand les chauds couchants roses
    Exaltent les fleurs dans les...

  • La lune luit ; le ciel est bleu ; le grillon chante ;
    Nulle âme en ce moment n’a droit d’être méchante.
    Tout contour s’amollit sous la douce clarté
    Que dans le grand ciel bleu fait cette nuit d’été.
    Les chevreuils, les faisans, les cerfs connaissent l’heure
    Où dans les bois profonds la fougère est meilleure,
    Où la mousse se creuse en moelleux abris
    ...

  • J’ai reposé mon cœur avec tranquillité
    Dans l’asile très-sûr d’un amour très-honnête.
    La lutte que je livre au sort est simple et nette,
    Et tout peut m’y trahir, non la virilité.

    Je ne crois pas à ceux qui pleurent, l’âme éprise
    De la sonorité de leurs propres sanglots :
    Leur idéal est né de l’écume des mots,
    Et comme je les tiens pour nuls, je les...

  • Il est charmant ce paysage,
    Peu compliqué, mais que veux-tu ?
    Ce n’est qu’une mer de feuillage
    Où, timide, à peine surnage
    Un tout petit clocher pointu.

    Au premier plan, toujours tranquille,
    La Saône reluit au matin.
    Par instants de l’herbe immobile
    Un bœuf se détache et profile
    Ses cornes sur le ciel lointain.

    Vis-à-vis, gardant...