Le Parnasse contemporain/1876/Matin

Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
Dans l’âme fraîche du printemps.

Sur l’herbe où la rosée a trempé leurs pieds roses
Les Nymphes ont conduit les danses d’autrefois ;
Et Pan qui rit au loin, les paupières mi-closes,
Écoute en s’éveillant chanter de douces voix
Dans l’air fait du parfum des choses.

Dans l’innocente paix d’un matin enchanté
La nature se vêt de grâce et d’harmonie ;
Tout reprend la candeur de sa virginité ;
Et dans un souvenir d’existence bénie
Tout baigne et lustre sa beauté.

L’homme passe, oublieux des misères humaines,
En ce monde oublieux des mortelles saisons ;
Et vers les dieux amis purs encor de ses peines
Son cœur léger, qui flotte en vagues floraisons,
S’en va sur les brises lointaines !

Collection: 
1971

More from Poet

  • J'ai vu passer, l'autre matin,
    Un jeune Dieu dans la prairie ;
    Sous un costume de féerie
    Il sautillait comme un lutin.

    Tout perlé d'or et d'émeraude,
    Sans arc, sans flèche et sans carquois,
    En chantonnant des vers narquois,
    Il s'en allait comme en...

  • ... Et Lazare à la voix de Jésus s'éveilla
    Livide, il se dressa d'un bond dans les ténèbres ;
    Il sortit, trébuchant dans ses liens funèbres ;
    Puis, tout droit devant lui, grave et seul, s'en alla.

    Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
    Comme y...

  • Nul rayon, ce matin, n'a pénétré la brume,
    Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
    Aujourd'hui dans mes yeux nul désir ne s'allume ;
    Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir.

    Le vieil astre s'éteint comme un bloc sur l'enclume,
    Et rien n'a rejailli sur...

  • Rythme des robes fascinantes,
    Qui vont traînantes,
    Balayant les parfums au vent,
    Ou qu'au-dessus des jupes blanches
    Un pas savant
    Balance et gonfle autour des hanches !

    Arbres bercés d'un souffle frais
    Dans les forêts,
    Où, ruisselant des palmes...

  • J'ai détourné mes yeux de l'homme et de la vie,
    Et mon âme a rôdé sous l'herbe des tombeaux.
    J'ai détrompé mon coeur de toute humaine envie,
    Et je l'ai dispersé dans les bois par lambeaux.

    J'ai voulu vivre sourd aux voix des multitudes,
    Comme un aïeul couvert de...