Quand l’immémoriale antiquité des jours
Commençait pour ce globe et ses vides séjours,
L’obscure volonté selon qui la matière
Se ruait à remplir sa destinée entière
Faisait sur le désert universel des eaux
Voguer des continents comme de grands vaisseaux ;
Et,...

Sur le grand lit drapé de rideaux de dentelle
Qu’une pale veilleuse éclairait à demi,
Je m’assis en silence, et, m’accoudant près d’elle,
Longtemps je contemplai son visage endormi.

Est-il des cœurs si faux que leur sommeil nous mente ?
— Qui croire alors ? —...

Poet: Paul Bourget

Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d’or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.

J’aime la folle cruauté
Des chimères qu’on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.

Là,...

Dans la pourpre de ce vieux Vin
Une étincelle d’or éclate ;
Un rayon de flamme écarlate
Brille en son flot sombre et divin.

Comme dans l’œil d’un vieux Sylvain
Qu’une Nymphe caresse et flatte,
Dans la pourpre de ce vieux Vin
Une étincelle d’or éclate....

Assis au revers d’un chemin,
L’ombre en noyait les avenues —
Tout seuls et la main dans la main
Je baisais ses épaules nues.

Blanche, la lune se levait ;
— L’ombre en redoublait son mystère —
Au moindre souffle tout avait
Des frissons d’amour sur la...

Saturne, Jupiter, Vénus, n’ont plus de prêtres.
L’homme a donné les noms de tous ses anciens maîtres
A des astres qu’il pèse et qu’il a découverts,
Et le dernier des dieux dont le culte demeure,
A son tour menacé, tremble que tout à l’heure
Son nom ne serve plus qu’...

La vie est ainsi faite. On dit : « Le monde est grand. »
On a, comme l’oiseau, des instincts d’émigrant,
On voudrait en un jour voir l’Europe et l’Asie.
Les ailes font défaut : « Prenons voile et vapeur.
Nous fréterons un brick ou quelque bon clipper
Qui nous...

Errant dans le désert le Bédouin seul est libre ;
L’immensité lui forme un abri triomphant.
Du fauve qui surgit et du kemsin qui vibre
Le formidable effroi l’entoure et le défend.

Là, le Turc fatidique a perdu l’équilibre
En trouvant contre lui la brute et l’...

Poet: Louise Colet

Sous un ciel bas, d’un blanc triste, teinté de noir,
Qui prend l’aspect blafard et morne d’un cilice,
La rue étend au loin son pavé rond et lisse
Que l’averse a rendu luisant comme un miroir.

Quelques passants s’en vont, flanant sur le trottoir,
Sans voir ces...

J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
S’assoupissait toujours ma luxure nomade.

Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
Puisqu’ils étaient...