• Tout peuple a ses grands jours que burine l’Histoire,
    Soit qu’après la bataille il fête la victoire,
    Soit qu’à ses fils d’élite il dresse un monument
    Ou que, tenant domptés les éléments esclaves,
    D’un travail, dont sa force a vaincu les entraves,
    Il célèbre l’achèvement.

    ...

  •  
    La fleur dans le désert, la fleur dans la prairie,
    Sans que pour la cueillir une main l’ait flétrie,
    Ainsi qu’un encensoir, au rayon matinal,
    Exhale son parfum suave et virginal.
      O Tégahgouïta, douce Fleur Indigène,
    En ta vie et ta mort, austèrement chrétienne ;
    Toi, dont le cœur sans tache, en sa sérénité,
    Fut ébloui du lys de la virginité...

  •  
    A ce cœur altéré d’amour et de lumière,
    O Dieu ! pourquoi n’offrir qu’un pain trempé de fiel ?
    Que ne l’as-tu fait naître en quelque humble chaumière
    Sur la haute montagne où l’on est près du ciel !
    Que ne lui donnas-tu, loin de la multitude,
    Avec un toit à l’ombre où cacher ses amours,
    Une Ève, âme des bois et de la solitude,
    Illuminant sa vie...

  •  
    Je ne vous aime pas, ô blonde Célimène,
    Et si vous l’avez cru quelque temps, apprenez
    Que nous ne sommes point de ces gens que l’on mène
    Avec une lisière et par le bout du nez ;
    Je ne vous aime pas… depuis une semaine,
    Et je ne sais pourquoi vous vous en étonnez.

    Je ne vous aime pas ; vous êtes trop coquette,
    Et vos moindres faveurs sont de...

  •  
    Toi qui hantes mes nuits, spectre éternel du Temps,
    Ombre énorme et sans voix, monstre aux molles vertèbres
    Dont on épie en vain les pas dans les ténèbres,
    Je te sais près de moi ; je tremble et je t’attends.

    Oh bonté ! ai-je donc peur ? Que tes mépris absolvent
    Cette âme où ton regard vertigineux descend...
    Et pourtant il songeait, mon front...

  • Tu n'es pas la plus amoureuse
    De celles qui m'ont pris ma chair ;
    Tu n'es pas la plus savoureuse
    De mes femmes de l'autre hiver.

    Mais je t'adore tout de même !
    D'ailleurs ton corps doux et bénin
    A tout, dans son calme suprême,
    De si grassement féminin,

    De si voluptueux sans phrase,
    Depuis les pieds longtemps baisés
    Jusqu'à ces yeux...

  • Il est beau tout en haut de la chaire où l’on trône,
              Se prélassant d’un ris moqueur,
    Pour festonner sa phrase et guillocher son prône
              De ne point mentir à son cœur !
    Il est beau, quand on vient dire neuves paroles,
              Morigéner mœurs et bon goût,
    De ne point s’en aller puiser ses paraboles
              Dans le corps de garde ou...

  • IV

    Quand nous serons vainqueurs, nous verrons. Montrons-leur,
    Jusque-là, le dédain qui sied à la douleur.
    L'oeil âprement baissé convient à la défaite.
    Libre, on était apôtre, esclave, on est prophète ;
    Nous sommes garrottés ! Plus de nations soeurs !
    Et je prédis l'abîme à nos envahisseurs.
    C'est la fierté de ceux qu'on a...

  •  
    Oh ! pourquoi suis-je né dans la première aurore
    D’un avenir que nul prophète n'a prédit,
    Pour qu’en entrevoyant ce qui n’est pas encore,
    Je trébuche à ce seuil que la lumière dore,
    Et que la mort inévitable m’interdit !

    O siècles, millions et millions d’années !
    Pourquoi donc, arrêtant mon âme dans son vol,
    M’avoir jeté parmi les mornes...

  •                         XIII

    Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
    Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
    M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
    Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ;
    Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
    Oublier leur injure, oublier leur colère,
    Et de...