« À ce cœur altéré »

 
A ce cœur altéré d’amour et de lumière,
O Dieu ! pourquoi n’offrir qu’un pain trempé de fiel ?
Que ne l’as-tu fait naître en quelque humble chaumière
Sur la haute montagne où l’on est près du ciel !
Que ne lui donnas-tu, loin de la multitude,
Avec un toit à l’ombre où cacher ses amours,
Une Ève, âme des bois et de la solitude,
Illuminant sa vie, édénisant ses jours !

Depuis l’heure où, la nuit ayant plié ses voiles,
L’abeille est dans la brise et l’aube est sur les monts,
Jusqu’à l’heure où là-haut éclosent les étoiles,
Chastes fleurs dont le ciel parsème ses vallons,
Loin du monde, abrité comme en un nid fidèle,
Sous le modeste sort, don béni de tes mains,
Il eût vécu sa vie à l’ombre de ton aile,
Dans l’amour d’un seul être et l’oubli des humains.

Hélas ! il n’en fut point ainsi… Pardonne, ô Maître !
A ce dernier regard jeté vers le bonheur.
Quel que soit l’avenir, il saura s’y soumettre,
Et quand tu diras : « Marche ! » il marchera Seigneur !
Fidèle aux vérités à qui ce monde insulte,
A défendre le faible, il bravera le fort,
Et, protestant au nom des victimes du sort,
Au droit vaincu toujours il gardera son culte !

Collection: 
1835

More from Poet

 
Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
Tu l’aidas de sa croix à porter le fardeau ;
Et que, sourd aux instincts d’une opulence avare,
Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare
       Des plis...

 
LA MÈRE

Pourquoi jeter ta voix si paisible et si douce
A travers ces rumeurs d'un siècle aux fortes voix ?
Ami, crois-moi, résiste au démon qui te pousse ;
Laisse tes faibles chants, comme l'eau sur la mousse
Laisse tes chants couler à l'ombre de nos...

 
La vipère du mal a mordu ta pensée,
Poète, et dans ton sein la colombe blessée
Palpite. Apaise-toi ; ferme ton noble cœur
Aux stériles conseils d’une aveugle douleur.
Souffre ; laisse venir les heures vengeresses.
Mais pour le Mal alors plus de pitiés...

 
Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle,
Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ;
Toi dont l’âme charmante et les songes premiers
Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle
         Des bengalis et des ramiers !

O douce enfant ! ta vie...

 
Loin d’ici veux-tu fuir ? pauvre couple enchaîné,
Veux-tu nous envoler vers l’île où je suis né ?
Je suis las de contrainte et de ruse et d’entrave.
Le ciel ne m’a point fait avec un cœur d’esclave !
Me cacher pour te voir, pour t’aimer, ô tourment !
Je veux...