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    Ceux qui ne sont pas nés, les peuples de demain,
    Entendent vaguement, comme de sourds murmures,
    Les grands coups de marteaux et les grands chocs d’armures
    Et tous les battements des pieds sur le chemin.

    Ce tumulte leur semble un immense festin,
    Dans un doux bruit de flots, sous de folles ramures ;
    Et déjà, tressaillant au sein des vierges mûres,...

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    Je n’aime pas les maisons neuves :
    Leur visage est indifférent ;
    Les anciennes ont l’air de veuves
    Qui se souviennent en pleurant.

    Les lézardes de leur vieux plâtre
    Semblent les rides d’un vieillard ;
    Leurs vitres au reflet verdâtre
    Ont comme un triste et bon regard !

    Leurs portes sont hospitalières,
    Car ces barrières ont vieilli...

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    Viennent les ans ! J’aspire à cet âge sauveur
    Où mon sang coulera plus sage dans mes veines,
    Où, les plaisirs pour moi n’ayant plus de saveur,
    Je vivrai doucement avec mes vieilles peines.

    Quand l’amour, désormais affranchi du baiser,
    Ne me brûlera plus de sa fièvre mauvaise
    Et n’aura plus en moi d’avenir à briser,
    Que je m’en donnerai de...

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    Quand je vois des vivants la multitude croître
    Sur ce globe mauvais de fléaux infesté,
    Parfois je m’abandonne à des pensers de cloître,
    Et j’ose prononcer un vœu de chasteté.

    Du plus aveugle instinct je me veux rendre maître,
    Hélas ! Non par vertu, mais par compassion ;
    Dans l’invisible essaim des condamnés à naître,
    Je fais grâce à celui dont...

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    Au temps rude et stoïque où l’on savait mourir
    Sans plus rien regretter et sans plus rien attendre
    Où l’on brûlait les morts, ne gardant que leur cendre,
    Afin que rien d’humain n’eût l’affront de pourrir ;

    Avant que pour jamais la nuit des catacombes
    Eût posé sur le monde un crêpe humide et noir,
    Et que la foi,-mêlant la terreur à l’espoir,
    ...

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    Aux étoiles j’ai dit un soir :
    « Vous ne paraissez pas heureuses ;
    Vos lueurs, dans l’infini noir,
    Ont des tendresses douloureuses ;

    « Et je crois voir au firmament
    Un deuil blanc mené par des vierges
    Qui portent d’innombrables cierges
    Et se suivent languissamment.

    « Êtes-vous toujours en prière ?
    Êtes-vous des astres blessés ?...

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    Toi qui m’entends sans peur te parler de la mort,
    Parce que ton espoir te promet qu’elle endort
    Et que le court sommeil commencé dans son ombre
    S’achève au clair pays des étoiles sans nombre,
    Reçois mon dernier vœu pour le jour où j’irai
    Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai.

    Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
    Ni de grands...

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    Deux êtres asservis par le désir vainqueur
    Le sont jusqu’à la mort : la volupté les lie.
    Parfois, lasse un moment, la geôlière s’oublie,
    Et leur chaîne les serre avec moins de rigueur.

    Aussitôt, se dressant tout chargés de langueur,
    Ces pâles malheureux sentent leur infamie ;
    Chacun secoue alors cette chaîne ennemie,
    Pour la briser lui-même ou...

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    Je me croyais poète et j’ai pu me méprendre,
    D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ;
    Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre,
                  Qui le sait mieux que moi ?

    Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles
    Qui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ;
    Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles
                  Ne sort...

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    Je ne dois plus la voir jamais,
    Mais je vais voir souvent sa mère ;
    C’est ma joie, et c’est la dernière,
    De respirer où je l’aimais.

    Je goûte un peu de sa présence
    Dans l’air que sa voix ébranla ;
    Il me semble que parler là,...