Jeunes filles/« Je ne dois plus »

 
Je ne dois plus la voir jamais,
Mais je vais voir souvent sa mère ;
C’est ma joie, et c’est la dernière,
De respirer où je l’aimais.

Je goûte un peu de sa présence
Dans l’air que sa voix ébranla ;
Il me semble que parler là,
C’est parler d’elle à qui je pense.

Nulle autre chose que ses traits
N’y fixait mon regard avide ;
Mais, depuis que sa chambre est vide,
Que de trésors j’y baiserais !

Le miroir, le livre, l’aiguille,
Et le bénitier près du lit…
Un sommeil léger te remplit,
Ô chambre de la jeune fille !

Quand je regarde bien ces lieux,
Nous y sommes encore ensemble ;
Sa mère parfois lui ressemble
À m’arracher les pleurs des yeux.

Peut-être la croyez-vous morte ?
Non. Le jour où j’ai pris son deuil,
Je n’ai vu de loin ni cercueil
Ni drap tendu devant sa porte.

Collection: 
1865

More from Poet

 
Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

 
Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
Tu dis que sous ta lourde croix
Ton énergie enfin succombe ;
Tu souffres beaucoup, je te crois.

Le souci des choses divines
Que jamais tes yeux ne verront
Tresse d’invisibles épines
Et les enfonce dans ton...

Ces vers que toi seule aurais lus,
L’œil des indifférents les tente ;
Sans gagner un ami de plus
J’ai donc trahi ma confidente.

Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
Tu sais le nom de la première ;
Sa grâce ne mourra jamais
Dans mes yeux qu’...

 
Toi qui peux monter solitaire
Au ciel, sans gravir les sommets,
Et dans les vallons de la terre
Descendre sans tomber jamais ;

Toi qui, sans te pencher au fleuve
Où nous ne puisons qu’à genoux,
Peux aller boire avant qu’il pleuve
Au nuage...

 
O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
Dans l’espace infini versent tranquillement
Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
         Et dans l’homme un divin calmant,

Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
A celui d’une...