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    PAR la couleur du ciel et les plaintes du vent,
    Par les tons nuancés du feuillage mouvant,
    Par mon désir de rêve et mon cœur qui frissonne,
    J’ai senti de là-bas venir vers nous l’automne.
    Dans la sérénité profonde des beaux soirs
    Où la lune apparaît bleue au firmament noir,
    Malgré les astres clairs, on l’aperçoit qui rôde
    Sur le gazon, ou dans...

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    DÉJÀ des feuilles qui jaunissent !
    C’est l’automne avançant un peu
    Avec les nuages qui glissent
    Dans l’immensité du ciel bleu.

    L’air est tiède, le vent tranquille,
    Et l’on dirait qu’un grand repos
    Enveloppe soudain la ville
    Pour préparer des temps nouveaux.

    Je n’entends plus mes hirondelles
    A l’harmonieux gazouillis :
    Peut-...

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    Sur une traduction qu’il avait faite
    d’un poème anglais.

    COMME vous maniez le dur alexandrin,
    Maître ! Grand forgeron, dites, sur quelle enclume,
    Avec le merveilleux marteau de votre plume,
    Forgez-vous ces beaux vers souples, quoique d’airain ?

    Sans doute que Ronsard, l’ouvrier souverain,
    Lorsque pour le labeur sacré le feu s’...

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    IL n’est pas bon de trop se regarder agir
    Ni de scruter le fond obscur de ses pensées :
    Que d’œuvres chaque jour par l’esprit commencées
    Dont l’intime secret force l’âme à rougir !

    Marche naïvement comme un enfant candide,
    Sans rechercher toujours la raison de tes pas ;
    Peut-être que, honteux, tu n’avancerais pas,
    Connaissant le motif ignoré...

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    MÉDITER de beaux vers, c’est apprendre son âme,
    La strophe est un miroir fidèle où l’on se voit
    Dans les traits d’un visage ami, pareil à soi,
    Avec la même angoisse aux yeux, la même flamme.

    Ce que j’ai de secret, un verbe le proclame ;
    Ce que j’ai de confus, un mot l’éclaire en moi ;
    Et dans sa vérité mon être s’aperçoit,
    Cruel et lamentable...

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    COMME si vous aviez pris racine en mon cœur,
    Je vous dirai toujours : Beaux arbres , je vous aime !
    Erables, vous surtout, dont la feuille est l’emblème
    Du pays où je vis ma joie et ma douleur.

    Qu’un tendre amour rend l’âme encline à la douceur !
    Depuis que j’ai passé sous votre ombre, un poème
    Chante adorablement au-dedans de moi-même,
    Comme...

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    LORSQUE le grand Chénier monta sur l’échafaud
    Pour avoir écrit : Mort aux tyrans, honte aux crimes !
    Chaque degré gravi du pas fier des victimes
    L’approchait de la gloire en l’élevant plus haut !

    Son front harmonieux roula sous le couteau,
    Son beau front noble encor des poèmes ultimes,
    Et sa forte pensée, habituée aux cimes,
    S’envola d’un...

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    J’AI vainement lutté contre ton charme, Automne :
    A ton impérieux attrait je m’abandonne.
    J’ai cru que je n’avais qu’à te fermer mon cœur
    Pour me soustraire au doux péril de ta langueur,
    Mais ta beauté sereine à jamais me possède,
    Et pareil à la feuille au vent puissant, je cède…
    Je ne puis pas ne pas t’aimer sans repentir !
    Je ne puis pas ne...

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    PAR la vitre embrasée où meurt le soleil rouge
    Qui rose la blancheur du rideau transparent,
    Je regarde flamber sous l’azur fulgurant
    Un arbre dont la tête à demi-chauve bouge.

    Et dans cette splendeur baignant sa nudité,
    Plein de lumière dont le prisme le colore,
    Magnifique, il a l’air de croître dans l’aurore
    Et de tremper au ciel son vieux...

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    J’AIMAIS, quand vous m’aimiez. Maintenant, mon cœur vide
    Regrette le plaisir si doux qui fut le sien,
    Et mon bonheur est mort hier, presque ancien,
    Au front de ma jeunesse imprimant une ride.

    Quand vous m’aimiez, j’aimais. Aujourd’hui, je n’ai plus
    La gloire de chanter comme vous êtes belle ;
    Mais je garde à ma lèvre, obstinément fidèle,
    La...