À l’automne

 

PAR la couleur du ciel et les plaintes du vent,
Par les tons nuancés du feuillage mouvant,
Par mon désir de rêve et mon cœur qui frissonne,
J’ai senti de là-bas venir vers nous l’automne.
Dans la sérénité profonde des beaux soirs
Où la lune apparaît bleue au firmament noir,
Malgré les astres clairs, on l’aperçoit qui rôde
Sur le gazon, ou dans les coins des chambres chaudes.
Il émane de lui je ne sais quoi de doux
Qui frôle notre chair et qui pénètre en nous,

Qui nous change, on dirait, en une autre substance,
Comme si l’on était de l’air ou du silence !
Il semble que l’on ait des ailes ; que le poids
De notre corps se fonde et renaisse à la fois ;
Qu’un bonheur a travers notre âme triste passe,
Qu’on n’ait plus qu’un degré pour atteindre à l’extase !
O volupté de vivre, ô charme alanguissant !
― Automne qui nous mets du plaisir dans le sang,
Qui nous berces, pareil à la bonne nourrice,
Jusqu’à ce que notre âme en tes bras s’assoupisse,
Je t’aime d’un amour sensuel et païen !
Et je t’élève, ô dieu, fait de songe ancien,
Un temple au clair autel entouré de balustres,
Où mon cœur balancé brûle comme un grand lustre !

Collection: 
1898

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