•     Oui ! cette plainte échappe à ma douleur :
            Je le sens, vous m’avez perdue.
    Vous avez, malgré moi, disposé de mon cœur,
    Et du vôtre jamais je ne fus entendue.

            Ah ! que vous me faites haïr
    Cette feinte amitié qui coûte tant de larmes !
        Je n’étais point jalouse de vos charmes,
    Cruelle ! de quoi donc vouliez-vous me punir ?...

  •  
    Brise du jour, ô vent salubre et plein de joie !
    Herbe riante où l’onde en nappe se déploie,
    Vallée où l’oranger sème au zéphyr ses fleurs,
    Montagne aux bleus sommets, bois aux vierges senteurs,
    Rivière dont les eaux baignaient nos verts domaines,
    O cimes, ô forêts, ô collines amènes !
    Agrestes voluptés, bonheurs des premiers jours,
    Je vous ai...

  •  

    Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre,
    À la clarté du gaz je végète et je meurs.
    Mais vous vous y plaisez, et vos regards charmeurs
    M’attirent à la mort, parisienne fière.
     
    Je rêve de passer ma vie en quelque coin
    Sous les bois verts ou sur les monts aromatiques,
    En Orient, ou bien près du pôle, très loin,
    Loin des journaux, de la...

  • Weland connut amèrement l’exil,
    le vaillant comte souffrit de la peine,
    il eut pour compagnons le chagrin et le désir,
    des courses errantes par froid hivernal ; souvent il endura malheur,
    après que Nithhad l’eut lié par la nécessité,
    eut coupé les tendons de l’homme meilleur que lui.
    Cela, il le surmonta...

  • Le golfe s’argentait sous les rayons nocturnes ;
    Colosses de granit penchés en forme d’urnes,
          Les rochers versaient l’ombre autour.
    Dans les grottes, le flot, poursuivant comme un songe,
    Rendait le bruit divin du soupir qu’on prolonge ;...

  •  
    À MADEMOISELLE ROUSSEL

    I

    CELUI qui passait triomphant
    Debout dans sa grâce farouche,
    Sous l’or de ses cheveux d’enfant
    Dont le flot attirait ma bouche,
    Celui dont la feinte douceur
    M’atteignit de blessures telles,
    C’était Phaon le beau chasseur
    Dont les flèches étaient mortelles !

    II

    Comme Phoebus, l’...

  •  
    « Toi qui dans l’air léger lances d’un souffle pur
    La chanson de ta flûte en gammes vers l’azur
    Et qui, longtemps assis devant la mer sacrée,
    L’admires, tour à tour, rose à peine ou pourprée,
    Quand le soleil se lève ou tombe à l’horizon ;
    O toi, qui, pour rentrer, le soir, en ta maison,
    Suis ce sentier charmant qui va par la prairie
    Et qui s’...

  •  
    À A. Préaul.

    Aux bruits lointains ouvrant l’oreille,
    Jalouse encor du ciel d’azur,
    La momie, en tremblant, s’éveille
    Au fond de l’hypogée obscur.

    Elle soulève sa poitrine,
    Et sent couler de son œil mort
    Des larmes noires de résine
    Sur son visage fardé d’or.

    Puis au cercueil de planche peinte
    Heurtant ses colliers de...

  • Mets les mains sur mon front où tout l'humain orage
    Lutte comme un oiseau,
    Et perpétue, ainsi qu'au creux des coquillages,
    Le tumulte des eaux.

    Ferme mes yeux afin qu'ils soient clos et tranquilles
    Comme au fond du sommeil,
    Et qu'ils ne sachent plus quand passent sur la ville
    La lune et le soleil.

    Parle-moi de la mort, du songe qu'on y...

  • Ferais-je encor des vers ? Ami, j'en ai tant fait !
    Plus j'enrichis ma langue, et moins je deviens riche,
    Mon esprit abondant laisse ma terre en friche,
    Et le vent de l'honneur n'emplit pas mon buffet.

    Un poète accompli n'est plus qu'un fou parfait,
    Dès qu'il prodigue un bien dont il doit être chiche ;
    Ce n'est plus qu'une idole, et sans base et sans niche...