Anna de Noailles

  • Déjà la vie ardente incline vers le soir,
    Respire ta jeunesse,
    Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
    De l'aube au jour qui baisse.

    Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour,
    Aux mouvements de l'onde,
    Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime...

  • Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles,
    Vous êtes un jardin où les quatre saisons
    Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles
    Et des pommes de pin, dansent sur le gazon...
    - Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives
    Vous êtes le coteau qui...

  • La guitare amoureuse et l'ardente chanson
    Pleurent de volupté, de langueur et de force
    Sous l'arbre où le soleil dore l'herbe et l'écorce,
    Et devant le mur bas et chaud de la maison.

    Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,
    Les désirs ondoyants se...

  • Ma France, quand on a nourri son coeur latin
    Du lait de votre Gaule,
    Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
    La fougère et le saule,

    Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
    L'odeur de vos feuillages,
    La couleur de vos jours, le chant de vos...

  • Voici que je défaille et tremble de vous voir,
    Bel été qui venez jouer et vous asseoir
    Dans le jardin feuillu, sous l'arbre et la tonnelle.
    Comme votre douceur sur mon âme ruisselle !
    Je retrouve le pré, l'étang, les noyers ronds,
    Les rosiers vifs avec leurs vols de...

  • Vivre, permanente surprise !
    L'amour de soi, quoi que l'on dise !
    L'effort d'être, toujours plus haut,
    Le premier parmi les égaux.
    La vanité pour le visage,
    Pour la main, le sein, le genou,
    Tout le tendre humain paysage !
    L'orgueil que nous avons de nous...

  • Il n'est pas un instant où près de toi couchée
    Dans la tombe ouverte d'un lit,
    Je n'évoque le jour où ton âme arrachée
    Livrera ton corps à l'oubli. [...]

    Quand ma main sur ton coeur pieusement écoute
    S'apaiser le feu du combat,
    Et que ton sang reprend...

  • Le visage de ceux qu'on n'aime pas encor
    Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves,
    Et va s'illuminant sur de pâles décors
    Dans un argentement de lune qui se lève.

    Il flotte du divin aux grâces de leur corps,
    Leur regard est intense et leur bouche attentive...

  • Mon ami, quels ennuis vous donnent de l'humeur ?
    Le vivre vous chagrine et le mourir vous fâche.
    Pourtant, vous n'aurez point au monde d'autre tâche
    Que d'être objet qui vit, qui jouit et qui meurt.

    Mon âme, aimez la vie, auguste, âpre ou facile,
    Aimez tout le...

  • Nuits où meurent l'azur, les bruits et les contours,
    Où les vives clartés s'éteignent une à une,
    Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour
    Descendent mollement et dansent à la lune,

    Jardin d'épais ombrage, abri des corps déments,
    Grand coeur en qui tout rêve...