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    On scrute leur portrait, espérant qu’il en sorte
    Un cri qui puisse enfin nous servir de flambeau.
    Ah ! si même ils venaient pleurer à notre porte
    Lorsque le soir étend ses ailes de corbeau !

    Non ! Mieux que le linceul, la bière et le tombeau
    Le silence revêt ceux que le temps emporte :
    L’âme en fuyant nous laisse un horrible lambeau
    Et ne nous...

  • Soldats morts à la guerre,
    Qui remplissez le sol mortuaire, là-bas,
    Avec le spectacle encor rouge des combats
    Dans vos yeux, sous la terre,
    Voici venir pieusement vers vous les pas,
    ...

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    Novembre aux cheveux gris s’est drapé dans sa brume ;
    Il répand ses vapeurs sur le sillon qui fume,
    Et, de ses fils d’argent croisés sur le gazon,
    Tresse un premier linceul à la belle saison.
    Près des bois, dépouillés comme un sombre ossuaire,
    On pressent aux brouillards la neige mortuaire.

    ÉDITH

    Combien, au temps du renouveau,
    Quand...

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    De ses grands yeux chastes et fous
    Il ne reste pas un vestige :
    Ces yeux qui donnaient le vertige
    Sont allés où nous irons tous.

    En vain, ils étaient frais et doux
    Comme deux bluets sur leur tige ;
    De ses grands yeux chastes et fous
    Il ne reste pas un vestige.

    Quelquefois, par les minuits roux
    Pleins de mystère et de prestige,...

  • Les morts vont vite! Ay, for a little space
    We miss and mourn them fallen from their place;
      To take our portion in their rest are fain;
      But by-and-by, having wept, press on again,
    Perchance to win their laurels in the race.

    What man would find the old in the new love’s face?
    Seek on the fresher lips the old kisses’ trace?
      For...

  • O morts ! dans vos tombeaux vous dormez solitaires,
    Et vous ne portez plus le fardeau des misères
    Du monde où nous vivons.
    Pour vous le ciel n'a plus d'étoiles ni d'orages,
    Le printemps, de parfums, l'horizon, de nuages,
    Le soleil, de rayons.

    Immobiles et froids dans la fosse profonde,
    Vous ne demandez pas si les échos du monde
    Sont tristes ou...

  • Voilà les feuilles sans sève
    Qui tombent sur le gazon,
    Voilà le vent qui s'élève
    Et gémit dans le vallon,
    Voilà l'errante hirondelle .
    Qui rase du bout de l'aile :
    L'eau dormante des marais,
    Voilà l'enfant des chaumières
    Qui glane sur les bruyères
    Le bois tombé des forêts.

    L'onde n'a plus le murmure ,
    Dont elle enchantait les bois...

  • On n'a pas vu le ciel aujourd'hui. Gris, opaque,
    Et très bas, le brouillard est resté suspendu.
    Les regards se brisaient au froid de cette plaque,
    Métal terni que nul rayon d'or n'a fendu.

    Vers le soir seulement, au bord du lourd couvercle
    Une lueur, ainsi qu'un fil de sang vermeil,
    Se glisse, creuse un trou, puis s'élargit en cercle.
    Le...

  • Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
    Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
    Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
    Sur l'âme et sur le front de toute humanité ;

    Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
    Vous dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons,
    Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
    Pour les...

  • Au poète Armand Silvestre.

    Lorsque la sombre croix sur nous sera plantée,
    La terre nous ayant tous deux ensevelis,
    Ton corps refleurira dans la neige des lys
    Et de ma chair naîtra la rose ensanglantée.

    Et la divine Mort que tes vers ont chantée,
    En son vol noir chargé de silence et d'oublis,
    Nous fera par le ciel, bercés d'un lent roulis,...