Soldats morts à la guerre,
Qui remplissez le sol mortuaire, là-bas,
Avec le spectacle encor rouge des combats
Dans vos yeux, sous la terre,
Voici venir pieusement vers vous les pas,
De ceux dont l’âme
Vous est ferveur, orgueil, mémoire et flamme,
Mais dont les yeux ne pleurent pas.
Nous vous sentons trop hauts pour gémir sur vos tombes.
Le vent qui tour à tour se soulève ou retombe
Passera seul immensément par les grands bois
Pour tirer de chaque arbre une plainte profonde
Et vous jeter ainsi tous les regrets du monde,
Sans que s’y mêle notre voix.
Nous, nous chantons votre agonie
Héroïque, là-bas, dans un sillon de blé,
Avec autour de vous les adieux rassemblés
De la belle lumière et des plantes amies ;
Nous, nous chantons la mort illuminant vos yeux
Simplement, comme aux jours les plus grands de l’histoire,
Lorsque les mots sacrés de patrie et de gloire
Étaient des mots miraculeux.
Votre âme désormais habitera sur terre
Dans les plis frissonnants et volants des drapeaux ;
Nous en sentirons tous l’effluve autoritaire
Nourrir obscurément les nerfs de nos cerveaux ;
Notre âme sera par votre âme refondue ;
Nous l’entendrons sonner dans notre torse altier
Et si un jour la victoire nous est rendue
C’est qu’en vous, héros morts, nous vivrons tout entiers.
Soldats,
Qui remplissez le sol mortuaire là-bas,
Avec le spectacle encor rouge des combats
Dans vos yeux, sous la terre,
Voici venir vers vous, pieusement, les pas
De ceux que terrifie à coups d’horreur la guerre,
Mais dont les yeux ne pleurent pas.