Soldats morts à la guerre

Soldats morts à la guerre,
Qui remplissez le sol mortuaire, là-bas,
Avec le spectacle encor rouge des combats
Dans vos yeux, sous la terre,
Voici venir pieusement vers vous les pas,
De ceux dont l’âme
Vous est ferveur, orgueil, mémoire et flamme,
Mais dont les yeux ne pleurent pas.

Nous vous sentons trop hauts pour gémir sur vos tombes.
Le vent qui tour à tour se soulève ou retombe

Passera seul immensément par les grands bois
Pour tirer de chaque arbre une plainte profonde
Et vous jeter ainsi tous les regrets du monde,
Sans que s’y mêle notre voix.

Nous, nous chantons votre agonie
Héroïque, là-bas, dans un sillon de blé,
Avec autour de vous les adieux rassemblés
De la belle lumière et des plantes amies ;
Nous, nous chantons la mort illuminant vos yeux
Simplement, comme aux jours les plus grands de l’histoire,
Lorsque les mots sacrés de patrie et de gloire
Étaient des mots miraculeux.

Votre âme désormais habitera sur terre
Dans les plis frissonnants et volants des drapeaux ;
Nous en sentirons tous l’effluve autoritaire
Nourrir obscurément les nerfs de nos cerveaux ;
Notre âme sera par votre âme refondue ;
Nous l’entendrons sonner dans notre torse altier
Et si un jour la victoire nous est rendue
C’est qu’en vous, héros morts, nous vivrons tout entiers.

Soldats,
Qui remplissez le sol mortuaire là-bas,
Avec le spectacle encor rouge des combats
Dans vos yeux, sous la terre,
Voici venir vers vous, pieusement, les pas
De ceux que terrifie à coups d’horreur la guerre,
Mais dont les yeux ne pleurent pas.

Collection: 
1916

More from Poet

  • Le corps ployé sur ma fenêtre,
    Les nerfs vibrants et sonores de bruit,
    J'écoute avec ma fièvre et j'absorbe, en mon être,
    Les tonnerres des trains qui traversent la nuit.
    Ils sont un incendie en fuite dans le vide.
    Leur vacarme de fer, sur les plaques des ponts,...

  • Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
    Les feuillages lassés de soleil irritant,
    Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
    Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.

    Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
    Au coeur de la...

  • D'énormes espaliers tendaient des rameaux longs
    Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
    Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
    Qu'on voit flamber les nuits de kermesse sonore.

    Pendant vingt ans, malgré l'hiver et ses grêlons,
    Malgré les gels...

  • Les horizons cuivrés des suprêmes automnes
    Meurent là-bas, au loin, dans un carnage d'or.
    Où sont-ils les héros des ballades teutonnes
    Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

    Ils passaient par les monts, les rivières, les havres,
    Les burgs - et...

  • Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
    Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

    Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
    Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.

    Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
    Le mur est...