• Le roi des Runes vint des collines sauvages.
    Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,
    L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
    Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

    Le Skalde immortel dit : — Quelle fureur t’assiége,
    O sombre mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
    Pourquoi pleurer ? vieil Ours vêtu de poil de neige,
    De l’aube au...

  • Ainsi qu’en carnaval, ainsi qu’à la Courtille,
    Dans le demi-jour triste, équivoque et blafard
    De nos froides cités, hurle, gronde et fourmille
    Un essaim chamarré d’or faux, couvert de fard.

    Des masques, des faux nez ! L’un gai, l’autre morose,
    Et, suivant le manteau dont il est revêtu,
    L’un habillé de noir, l’autre habillé de rose,
    Fanfaron de vice ou...

  • — Sonnet, que me veux-tu ? — Je chante les saisons !
    Le Printemps en sa fleur est l’amoureux poëte
    Qui souffle dans les luths de la forêt muette,
    Depuis les chênes verts jusqu’aux neigeux buissons.

    L’Été, c’est un penseur à tous les horizons :
    Le matin il s’éveille aux...

  • Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
    Sans relâche, à jamais, perpétuellement,
    Du rêve de ma vie ils traversent les ombres.

    Je les regarde avec angoisse et tremblement.
    Ils se suivent, muets comme il convient aux âmes,
    Et mon cœur se contracte et saigne en les nommant.

    Ces magnétiques yeux, plus aigus que des lames,
    Me blessent fibre à...

  • Les vieux tilleuls fleuris embaument… Le parterre,
    Abandonné, végète au gré de la saison.
    De la grille on ne voit qu’un pan de la maison
    Petite et sombre au fond d’un quartier solitaire.

    La maison est petite : et d’un air de mystère
    Les massifs du jardin bornent son horizon.
    Tout ce qu’ont écouté cette ombre et ce gazon
    D’extatiques secrets, on voit...

  • De l’éternel Azur la sereine ironie
    Accable, belle indolemment comme les fleurs,
    Le poëte impuissant qui maudit son génie
    A travers le désert stérile des Douleurs.

    Fuyant, les yeux fermés, je la sens qui regarde
    Avec l’intensité d’un remords attérrant.
    Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde
    Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?

    ...
  • L’Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
    Qu’un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
    Tout n’est qu’ombre et fumée. Et le monde est très-vieux,
    Et le néant de vivre emplit la tombe noire.

    Par les antiques nuits, à la face des cieux,
    Du sommet de sa tour, comme d’un promontoire,
    Dans le silence, au loin, laissant planer ses yeux,
    Sombre,...

  • C’est dans un bois sinistre et formidable, au nord
    De la Gaule. Roidis par un suprême effort,
    Les chênes monstrueux supportent avec rage
    Les grands nuages noirs d’où va tomber l’orage ;
    Le matin frissonnant s’éveille, et la clarté
    De l’aube mord déjà le ciel ensanglanté.
    Tout est lugubre et pâle, et les feuilles froissées
    Gémissent, et, géants que de...

  • Je n’aurais pas donné ses fautes d’orthographe
    Pour les meilleurs feuillets de nos plus beaux romans.
    L’an passé, j’ai senti ses ensorcellements,
    Je veux être aujourd’hui son historiographe :

    Elle était fort jolie. Un galant photographe
    L’a gravée au soleil avec ses airs charmants ;
    Mais qui peindra son corps en ses serpentements ?
    Je serais éloquent...

  • La poésie aussi compte ses Lapeyrouses,
    Marins prédestinés aux tempêtes jalouses,
    Dignes pourtant d’un meilleur sort ;
    Voyageurs qui partaient sous les blondes étoiles,
    Heureux, fiers du bon vent qui soufflait dans leurs voiles,
    ...