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    Quoi ! le libérateur qui par degrés desserre
    La double chaîne noire, ignorance et misère,
    Le balayeur qui jette au vent le préjugé,
    Quoi ! l'immense marcheur, jamais découragé,
    Le Progrès, qui de flamme éblouit le vulgaire,
    Détrône l'échafaud et musèle la guerre,
    Qui fait avec les mœurs des ratures aux lois,
    Change en romain l'étrusque, en...

  • Comme s’il pressentait que son heure était proche,
    Grave, il ne faisait plus à personne un reproche ;
    Il marchait en rendant aux passants leur salut ;
    On le voyait vieillir chaque jour, quoiqu’il eût
    À peine vingt poils blancs à sa barbe encor noire ;
    Il s’arrêtait parfois pour voir les chameaux boire,
    Se souvenant du temps qu’il était chamelier.

    Il...

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    Quand tout me souriait encore,
    Jadis, quand j’étais radieux,
    Aux jours de la jeunesse, aurore
    Dont on prolonge les adieux,

    Du milieu de l’immense fête
    Des heureux d’alors qui, joyeux,
    Sceptre en main et couronne en tête,
    Riaient, chantaient, mêlés aux cieux,

    J’ai vu, tandis que sur la terre
    Tout était faste, hymne et concert,...

  • À force d’insulter les vaillants et les justes,
    À force de flatter les trahisons augustes,
    À force d’être abject et d’ajuster des tas
    De sophismes hideux aux plus noirs attentats,
    Cet homme espère atteindre aux grandeurs ; il s’essouffle
    À passer scélérat, lui qui n’est que maroufle.
    Ce pédagogue aspire au grade de coquin.
    Ce rhéteur, ver de terre et...

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    Insula Sicanium juxta lotus Æoliamque
    Erigitur Liparen fumantibus ardua saxis, etc.
    (Lib. VIII.)

    Non loin des bords d’Enna, près du séjour des vents,
    Liparis lève un front ceint de rochers fumants ;
    L’Etna tonne en ses flancs : sous ses voûtes tremblantes
    On entend retentir les enclumes bruyantes ;
    Là, grondent les métaux ; là,...

  • Mon père, ce héros au sourire si doux,
    Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
    Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
    Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
    Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
    Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
    C’était un Espagnol de l’armée en déroute
    Qui se traînait sanglant...

  •  
    Rome avait trop de gloire, ô dieux, vous la punîtes
    Par le triomphe énorme et lâche des Samnites ;
    Et nous vîmes ce deuil, nous qui vivons encor.
    Cela n'empêche pas l'aurore aux rayons d'or
    D'éclore et d'apparaître au-dessus des collines.
    Un champ de course est près des tombes Esquilines,
    Et parfois, quand la foule y fourmille en tous sens,
    J'y...

  • XXVII

    Quand le poète peint l’enfer, il peint sa vie :
    Sa vie, ombre qui fuit de spectres poursuivie ;
    Forêt mystérieuse où ses pas effrayés
    S’égarent à tâtons hors des chemins frayés ;
    Noir voyage obstrué de rencontres difformes ;...

  •  
    Oh ! Les mornes chevaux, comme ils allaient, farouches !
    Nul souffle ne sortait de leurs fatales bouches,
    Nul regard n’étoilait la noirceur de leurs yeux.
    À mesure que, froids, sourds et silencieux,
    Ils entraient plus avant dans la grande nuit triste,
    L’infini, qui, muet, aux prodiges assiste,
    Épaississait la brume au fond de l’horizon ;
    Et les...

  • IV

    Ecoute-moi, ton tour viendra d'être écouté.
    O canon, ô tonnerre, ô guerrier redouté,
    Dragon plein de colère et d'ombre, dont la bouche
    Mêle aux rugissements une flamme farouche,
    Pesant colosse auquel s'amalgame l'éclair,
    Toi qui disperseras l'aveugle mort dans l'air,
    Je te bénis. Tu vas défendre cette ville.
    O canon...