Rome avait trop de gloire, ô dieux, vous la punîtes
Par le triomphe énorme et lâche des Samnites ;
Et nous vîmes ce deuil, nous qui vivons encor.
Cela n'empêche pas l'aurore aux rayons d'or
D'éclore et d'apparaître au-dessus des collines.
Un champ de course est près des tombes Esquilines,
Et parfois, quand la foule y fourmille en tous sens,
J'y vais, l'œil vaguement fixé sur les passants.
Ce champ mène aux logis de guerre où les cohortes
Vont et viennent ainsi que dans les villes fortes ;
Avril sourit, l'oiseau chante, et, dans le lointain,
Derrière les coteaux où reluit le matin,
Où les roses des bois entr'ouvrent leurs pétales,
On entend murmurer les trompettes fatales ;
Et je médite, ému. J'étais aujourd'hui là.
Je ne sais pas pourquoi le soleil se voila ;
Les nuages parfois dans le ciel se resserrent.
Tout à coup, à cheval et lance au poing, passèrent
Des vétérans aux fronts halés, aux larges mains.
Ils avaient l'ancien air des grands soldats romains ;
Et les petits enfants accouraient pour les suivre ;
Trois cavaliers, soufflant dans des buccins de cuivre,
Marchaient en tête, et comme, au front de l'escadron,
Chacun d'eux embouchait à son tour le clairon,
Sans couper la fanfare ils reprenaient haleine.
Ces gens de guerre étaient superbes dans la plaine ;
Ils marchaient de leur pas antique et souverain.
Leurs boucliers portaient des méduses d'airain,
Et l'on voyait sur eux Gorgone et tous ses masques ;
Ils défilaient, dressant les cimiers de leurs casques
Dignes d'être éclairés par des soleils levants,
Sous des crins de lion qui se tordaient aux vents.
Que ces hommes sont beaux ! disaient les jeunes filles.
Tout souriait, les fleurs embaumaient les charmilles,
Le peuple était joyeux, le ciel était doré,
Et, songeant que c'étaient des vaincus, j'ai pleuré.
Après les Fourches Caudines
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