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    J’ai, de façon presque incongrue,
    Bâillé dans le monde, hier soir...
    Ma petite amie, allons voir
    Les humbles passants dans la rue.

    Le musc est un affreux parfum ;
    On m’a dit trop de platitudes...
    Dans le faubourg aux odeurs rudes,
    Écoutons les gens du commun.

    J’ai vu des messieurs pleins de morgue
    Et des dames raides d’empois......

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    Un maître, de qui la palette
    Se plaisait aux sombres couleurs,
    A peint un élégant squelette
    Portant un frais panier de fleurs.

    Près de lui la danse macabre,
    Comme les plis d’un noir drapeau,
    Ondoie ; et reîtres à grand sabre,
    Écoliers la pipe au chapeau,

    Moines chauves, rois lourds d’hermine,
    Bourgeois à ventres de bedeaux,...

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    Dans le bouge qu’emplit l’essaim insupportable
    Des mouches bourdonnant dans un chaud rayon d’août,
    L’ivrogne, un de ceux-là qu’un désespoir absout,
    Noyait au fond du vin son rêve détestable.

    Stupide, il remuait la bouche avec dégoût,
    Ainsi qu’un bœuf repu ruminant dans l’étable.
    Près de lui le flacon, renversé sur la table,
    Se dégorgeait avec...

  • Le silence imposant et la nuit solennelle
    Planent sur le rempart où, debout dans le vent,
    Le mousqueton au bras, veille une sentinelle
    Auprès d’un gros canon tourné vers le levant.

    Le fort est un de ceux qui virent le grand siége ;
    Et, jadis, quand sonna l’heure du désespoir,
    Sur ces glacis croulants, alors couverts de neige,
    Dans le ciel de janvier...

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    DES millions de fois les cieux sont centenaires.
    Nous sommes, fils d’Adam, pareils aux éphémères
    Dont les chauds tourbillons vibrent, l’été, dans l’air ;
    Et cent ans pleins de faits dans l’histoire du monde
    Ne durent, devant Dieu, qu’un souffle, une seconde,
    Le rapide instant d’un éclair.

    Pourtant, l’être chétif qui naît, s’agite et...

  • Triste exilé, qu’il te souvienne
    Combien l’avenir était beau,
    Quand sa main tremblait dans la tienne
            Comme un oiseau,
     
    Et combien ton âme était pleine
    D’une bonne & douce chaleur,
    Quand tu respirais son haleine
            Comme une fleur.
     

    Mais elle est loin, la chère idole,
    Et tout s’assombrit de nouveau ;
    Tu...

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    Du Volga sur leurs bidets grêles
    Les durs Baskirs vont arriver.
    Avril est la saison des grêles,
    Et les balles vont le prouver.

    Les neiges ont fini leurs fontes,
    Les champs sont verts d’épis nouveaux ;
    Mettons les pistolets aux fontes
    Et les harnais d’or aux chevaux.

    Que le plus vieux chef du Caucase
    Bourre, en présence des aînés...

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    I

    Sous le ciel d’hiver, bas et terne,
    Les gueux, les errants du trottoir,
    A la porte de la caserne
    Attendent la soupe du soir.

    Frissonnants sous la blouse bleue
    Ou sous le drap beaucoup trop mûr,
    Comme au théâtre ils font la queue,
    Deux par deux, serrés près du mur.

    La faim creuse le flanc vorace
    Des loqueteux que groupe...

  • POUR L’ŒUVRE DU SOU DES CHAUMIERES

    Fléau rapide et qui dévore,
    La bataille a passé par là,
    Et la vieille maison brûla ;
    Regardez, cela fume encore.

    Quelques images d’Épinal,
    Un fusil sur la cheminée ;
    C’était la chaumière obstinée,
    Le vieux logis national.

    Au seuil rugueux où l’on trébuche,
    Il fallait se...

  • Le cheval qu’a jadis réformé la remonte
    Est là, près du trottoir du long faubourg qui monte,
    Pour qu’on l’attelle en flèche au prochain omnibus.
    Il a cet air navré des animaux fourbus,
    Sous son sale harnais qui traîne par derrière.
    Mais lorsque, précédés d’une marche guerrière,
    Des soldats font venir les femmes aux balcons,
    Il se souvient alors du...