Le chêne est vieux ; les ans, les vents & le tonnerre
Ont fait brèche à son front quatre fois centenaire.
Squelette immense, au loin, dans la brume des soirs,
Il tord sous un ciel gris ses bras noueux & noirs ;
Sur ses minces rameaux tremble un feuillage rare ;
Le prodigue printemps pour lui s’est fait avare ;
Dans le concert de juin il se tait, il...
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Un matin, le long d’une bruyère
A l’éclat tout vermeil,
J’aperçus une noire vipère
Qui dormait au soleil.
L’animal, entendant mon approche,
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L’Éden était fermé. La terre ouvrait ses routes :
Adam, d’un seul regard, les interrogea toutes,
Et, ne pouvant choisir parmi tant de chemins,
Il se tourna vers Ève & dit : « Étends les mains :
Je te laisse le choix entre tous nos domaines.
Puisque j’ai quitté Dieu, qu’importe où tu me mènes ?
Ma patrie est partout avec Ève ; ses yeux
Me tiendront... -
Des ombres de la nuit la campagne est voilée.
Nul astre aux cieux. Le vent d’automne dans les bois
Passe, souffle & murmure, & remplit la vallée
De sifflements pareils à de lugubre voix.Malheur au vagabond qui, malade & sans gîte,
Par ce tempe lamentable erre loin des hameaux !
Malheur au sein pensif où la douleur s’agite,
Et qui veille... -
Tout cuirassé de rocs anguleux & chenus,
Le pic inaccessible & qui ne veut pas d’hôtes
Va se perdre au-dessus des crêtes les plus hautes,
Vers le fourmillement des mondes inconnus.Jamais nos sueurs n’ont fécondé ses flancs nus
Et le sillon jamais n’a déchiré ses côtes ;
Et nos sombres labeurs, nos désespoirs, nos fautes,
Bruits sinistres,... -
Je veux ensevelir au linceul de la rime
Ce souvenir, malaise immense qui m’opprime.Quand j’aurai fait ces vers, quand tous les auront lus,
Mon mal vulgarisé ne me poursuivra plus.Car ce mal est trop grand pour que seul je le garde ;
Aussi j’ouvre mon âme à la foule criarde.Assiégez le réduit de mes rêves défunts,
Et dispersez ce qu’il y reste de... -
Par un étroit sentier des monts Hymalaya
Où du ciel on entend les saints Alleluia,
Deux hommes sont venus au-devant l’Un de l’autre.
Le premier est vêtu de blanc comme un apôtre,
Le second est couvert de toisons d’animaux,
Tous les deux sont altiers & tous les deux sont beaux.« Où vas-tu, voyageur à la tunique blanche ?
Tu marches incliné... -
Dans la rade de Brest le navire est à l’ancre.
...
La nuit tombe ; le flot clapote, couleur d’encre ;
Les astres rarement percent un ciel couvert.
Courant en longs serpents sur l’onde qui vacille,
Deux fanaux, sur le flanc du navire immobile,
Luisent, l’un rouge, l’autre vert. -
La Vie est triomphante & l’idéal est mort !
Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
Le cheval enivré du vainqueur broie & mord
Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce.Et nous, que la déroute a fait survivre, hélas !
Les pieds meurtris, les yeux baissés, la tête lourde,
Saignants, veules, fangeux, déshonorés & las,
Nous... -
Eh quoi ! votre printemps sourit à mon automne,
Y pensez-vous, jeune beauté !
J’ai l’âge où les ardeurs ont besoin d’une tonne ;
Il faut à boire à ma gaîté.Coupe en main, vous plaît-il de me...