• Un brouillard épais noie
    L’horizon où tournoie
    Un nuage blafard,
    Et le soleil s’efface,
    Pâle comme la face
    D’une vieille sans fard ;

    La haute cheminée,
    Sombre et chaperonnée
    D’un tourbillon fumeux,
    Comme un mât de navire,
    De sa pointe déchire
    Le bord du ciel brumeux ;

    Sur un ton monotone
    La bise hurle et tonne...

  •  
    De la tourterelle au crapaud,
    De la chevelure au drapeau,
    À fleur d’eau comme à fleur de peau
    Les frissons courent :
    Les uns furtifs et passagers,
    Imperceptibles ou légers,
    Et d’autres lourds et prolongés
    ...

  • Je rêve un frontispice à mes vers. Le burin,
    Fantasque, évoquerait sur le seuil d’un portique
    La fatale beauté d’une Chimère an tique,
    Levant vers moi son front cruel et souverain.

    Pour abuser mon cœur par un espoir serein,
    La bouche sourirait sensuelle et plastique :
    Le corps rigide aurait la pose hiératique...

  •  
    Sur le versant pierreux d’un plateau du midi,
    Respirant le soleil d’un hiver attiédi,
    J’errais en longs détours ; les collines désertes
    D’arbustes odorants étaient au loin couvertes.
    Promeneur attentif au plus humble arbrisseau,
    J’évitais en marchant de blesser un rameau.
    J’avais déjà suivi tous les sentiers des landes
    Sans briser une tige, une...

  • Enfin l’aimable paix, si long-tems attenduë,
    De son trône céleste est vers nous descenduë.
    Déja des malheureux elle sèche les pleurs,
    Et partout sous ses pas fait éclore les fleurs.
    D’un tranquille avenir ô flateuse espérance,
    Tu charmes tous nos maux, tu ranimes la France...

  •  
    Nous sommes étrangers et passons sur la terre
    Comme un esquif léger qui fuit en se jouant
    Sous les furtifs baisers d’une brise légère,
    Et dans l’horizon bleu disparaît lentement ;

    Heureux si le sillon qu’il marque dans sa fuite
    Demeure quelque temps après qu’il a passé ;
    Si quelque tourbillon n’efface tout de suite
    Le chemin qu’en son cours...

  •                 KADIDJA.
    Au firmament sans étoile,
    La lune éteint ses rayons ;
    La nuit nous prête son voile.
            Fuyons ! fuyons !

                     AHMED.
    Ne crains-tu pas la colère
    De tes frères insolents,
    Le désespoir de ton père,
    De ton père aux sourcils blancs ?

                    KADIDJA...

  •  
    Les tentes de Laban dormaient dans la nuit bleue,
    Et dans Paddan-Aram, autour des puits déserts,
    Les taureaux abreuvés, se fouettant de leur queue,
    Aspiraient l’odeur chaude, éparse dans les airs.

    La lune étincelait. L’immobile silence
    Écrasait les enclos où quelque vieux pasteur,
    En sommeillant debout, appuyé sur sa lance,
    Parmi les buissons...

  •  
    Fuyant l’abri natal, Bethléem et la haine
    D’Hérodès inquiet et le meurtre ordonné,
    Ioseph de Nazareth vers l’Egypte lointaine
    A guidé Miryam avec le Nouveau-né.

    Ils ont franchi les mont », le désert de Syrie,
    Les gouffres de Péluse et les marais fiévreux
    Où le vent libyen, dans l’oasis flétrie,
    De souffles ignorés se parfumait pour eux.

    ...
  •  
    L’océan me disait : Ô poète, homme juste,
    J’ai parfois comme toi cette surprise auguste
    Qu’il me descend des cieux une immense rougeur ;
    Et je suis traversé tout à coup, ô songeur,
    Par la foudre sublime, irritée et haïe,
    Comme toi par l’esprit sinistre d’Isaïe ;
    Les éclairs sont mes cris, les foudres sont ma voix ;
    Je gronde sur l’écueil comme...