Frontispice

Je rêve un frontispice à mes vers. Le burin,
Fantasque, évoquerait sur le seuil d’un portique
La fatale beauté d’une Chimère an tique,
Levant vers moi son front cruel et souverain.

Pour abuser mon cœur par un espoir serein,
La bouche sourirait sensuelle et plastique :
Le corps rigide aurait la pose hiératique
Des grands sphinx qu’aux déserts endort un ciel d’airain...

Car j’ai bravé la croupe horrible des Chimères ;
Et, la lèvre collée aux mamelles amères,
J’ai senti jusqu’au cœur leurs ongles de lions ;

Et j’ai, blessé, trop fier pour compter mes blessures,
Maintenu sous la dent profonde des morsures
Mon cœur gonflé d’amour et de rébellions.

Collection: 
1866

More from Poet

Derrière l'épaisseur lucide du carreau
Un paysage grêle, une miniature,
Fait voir chaque détail plus petit que nature
Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
...

A Catulle mendès.

Les Parisiens, entendus
Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
Se font des jardins suspendus
D'un simple rebord de fenêtre,

On peut voir en toute saison
Des fils de fer formant treillage
Faire une fête à la maison
De quelques...

À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
Parmi les visions de l'étourdissement ;

Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
Je froissais d'un coeur las et d'une main...

Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
Découpaient la lumière en caprices fantasques,
Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
L'oeil était somnambule et le rire blafard.
La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
Ce n'était pas le beau...

Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
Salue en souriant la campagne qui passe :
Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
Lointains, sur le penchant...