• Je ne pensais à rien, pas même à mon remords.
    Allongé dans mon lit, je savourais l’absence
    Des rêves que le jour contre mon impuissance
    Lâche, comme un cheval à qui l’on ôte un mors.

    Ils laissaient reposer, enfin ! ma plaie intime,
    Car le soleil, au fond des couchants violets,
    Avait en s’en allant tiré dans ses filets
    Tous ces vampires las de sucer...

  • Ô laissez-vous aimer !… ce n’est pas un retour,
    Ce n’est pas un aveu que mon ardeur réclame ;
    Ce n’est pas de verser mon âme dans votre âme,
    Ni de vous enivrer des langueurs de l’amour ;

    Ce n’est pas d’enlacer en mes bras le contour
    De ces bras, de ce sein ; d’embraser de ma flamme
    Ces lèvres de corail si fraîches ; non, Madame,
    Mon feu pour vous est...

  •  
    Ils sont partis sans que rien les arrête,
    Laissez-les faire, ils n'iront pas bien loin.
    De déserter est un trait malhonnête
    Dont les ingrats ont payé notre soin.
    Au trébuchet, donnant à pleine tête,
    Ils s'y sont pris tout en faisant chemin.

    Par des serments, ainsi que par des larmes,
    Les traîtres savent regagner les cœurs,
    Le patriote,...

  • Heureux le voyageur que sa ville chérie
    Voit rentrer dans le port, aux premiers feux du jour !
    Qui salue à la fois le ciel et la patrie,
    La vie et le bonheur, le soleil et l’amour !
    – Regardez, compagnons, un navire s’avance.
    La mer, qui l’emporta, le rapporte en cadence,
    En écumant sous lui, comme un hardi coursier,
    Qui, tout en se cabrant, sent son...

  •  
    Souvenirs du pays, avec quelle douceur,
    Hélas ! vous murmurez dans le fond de mon cœur !
    Couché dans les genêts, comme une jeune abeille
    Vous bourdonne en passant ses plaintes à l'oreille,
    Ou comme un grand nuage en traversant les cieux
    De fantômes sans nombre égaye au loin vos yeux,
    Souvenirs du pays, au-dedans de moi-même
    Ainsi vous murmurez...

  •  

    Viens ! Je t’aime ! Rentrons. La promenade est faite.
    La claire nuit de juin vient d’allumer ses feux ;
    Le clocher du gros bourg, où nous logeons tous deux,
    Se rapproche, et la lune en argente le faîte.

    Regagnons lentement l’auberge, où l’on apprête
    La chambre et le grand lit aux draps frais. Je te veux !
    Et, pour qu’en cheminant je baise tes...

  •  
    Le voilà, ce vieux môle où j'errai si souvent !
    Ainsi grondaient alors les rafales du vent,
    Quand aux pâles clartés des fanaux de la Hève
    Si tristes à minuit,
    Le flux, en s'abattant pour envahir la grève,
    Blanchissait dans la nuit.

    Au souffle du matin qui déchirait la brume,
    Ainsi sur mes cheveux volait la fraîche écume ;
    Et quand à leur...

  • J’ai quitté pour un an la campagne : — le chaume
    Était jaune ; les champs n’avaient plus cet arome
    Que leur donnent en juin les fleurs et le foin vert,
    Et l’on sentait déjà comme un frisson d’hiver.
    — La campagne, c’est bon l’été. — L’on se promène,
    On marche à travers champs comme le pied vous mène,
    Se fiant au hasard des sentiers onduleux.
    À la...

  • Nous avions fait une lieue,
    L’œil en quête d’un sonnet ;
    Où le hasard nous menait
    Nous errions dans la banlieue.

    La matinée était bleue,
    Et sur nos têtes sonnait
    La rime, oiseau qu’on prenait
    D’un grain de sel sous la queue.

    Tout à coup, le ciel changea :
    Il plut. Retournons — déjà ! —
    Et nous aperçûmes, l’âme

    Attristée, au...

  •  
    Le plafond du wagon crépite dans la nuit,
    L’averse fait tinter sur les vitres mouillées
    Sa chanson de novembre et d’automne, son bruit
    De tristesse, et refait aux glaces ses brouillées.

    C’est la petite gare inconnue, au trottoir
    Qui miroite et reluit, dans l’ombre, de ses flaques,
    À quoi bon se pencher hors de l’ennui pour voir
    Les rails bleus...