• Quand j’ pass’ triste et noir, gn’a d’quoi rire.
    Faut voir rentrer les boutiquiers
    Les yeux durs, la gueule en tir’lire,
    Dans leurs comptoirs comm’ des banquiers.

    J’ les r’luque : et c’est irrésistible.
    Y s’ caval’nt, y z’ont peur de moi,
    Peur que j’ leur chopp’ leurs comestibles,
    Peur pour leurs femm’s, pour je n’ sais quoi.

    Leur conscienc’...

  • L’hiver qui vient, tardif et lent,
    Laisse encor les branches flétries
    Briller dans le soleil tremblant
    Sur les arbres des Tuileries.

    Dans le jardin comme autrefois
    Elle suit les vieilles allées,
    Que le souffle des premiers froids
    D’un frisson à peine a troublées.

    Elle tient son fils par la main,
    Ainsi qu’un jeune camarade ;
    L’enfant...

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    À Emmanuel des Essarts.

    Ce n’est pas d’hier que d’exquises poses
    Me l’ont révélée, un jour qu’en rêvant
    J’allais écouter les chansons du vent.

    Ce n’est pas d’hier que les teintes roses
    Qui passent parfois sur sa joue en fleur
    M’ont parlé matin, aurore, fraîcheur,

    Que ses clairs yeux bleus et sa chevelure
    Noire, sur la...

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    Sur l’eau verte, bleue ou grise,
    Des canaux et du canal,
    Nous avons couru Venise
    De Saint-Marc à l’Arsenal.

    Au vent vif de la lagune
    Qui l’oriente à son gré
    J’ai vu tourner ta Fortune,
    O Dogana di Mare !

    Souffle de l’Adriatique,
    Brise molle ou sirocco,
    Tant pis, si son doigt m’indique
    La Cà d’Or ou San Rocco !

    ...

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    Lace tes brodequins, ma belle, et partons vite.
    Noue en un seul bouquet tes cheveux châtain-clair.
    Nous irons par les bois. — Le ciel bleu nous invite.
    C’est déjà le printemps qu’on respire dans l’air.

    Nous prendrons, si tu veux, ce petit chemin jaune
    Qui, sous les bouleaux blancs, court dans le sable fin ;
    Pour nos pieds d’amoureux sentier large d’...

  • Il faisait un jour blanc & tout chargé d’orage,
    Les oiseaux accablés se taisaient sous l’ombrage,
    Les herbes se tordaient au baiser du soleil ;
    Dans les champs moissonnés les pailles inégales
    Abritaient des cigales,
    Dont le cri troublait seul l’universel sommeil.

    Par...

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    Combien mélancolique était la promenade
    Trois par trois, en automne, aux fins d’après-midi,
    Lorsque nous traversions un faubourg engourdi
    Où sortait des maisons pauvres une odeur fade.
     
    En longue file noire et morne, nous allions
    Comme enrégimentés et nous parlant à peine
    A travers la banlieue isolée et malsaine
    Ecoutant dans le soir...

  • S’il m’arrive un matin et par un beau soleil
    De me sentir léger et dispos au réveil,
    Et si, pour mieux jouir des champs et de moi-même,
    De bonne heure je sors pour le sentier que j’aime,
    Rasant le petit mur jusqu’au coin hasardeux,
    Sans qu’un fâcheux m’ait dit : « Mon cher, allons tous deux ; »
    Lorsque sous la colline, au creux de la prairie,
    Je puis...

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    Arrête, gondolier ; que ta barque un moment
    Cesse de fendre les lagunes :
    L'essor qu'elle a reçu va mourir lentement
    Sur les sables noirs de ces dunes.
    Gondolier, je reviens : je viens dans un moment
    Prêter l'oreille aux infortunes
    De Clorinde et de son amant.

    Souvent un étranger, qui parcourait ces rives,
    Prit plaisir aux accords de vos...

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    Lorsque j’ai travaillé, pensif, sur mon pupitre
    Tout le jour, sans voir même éclater à la vitre
    Le rayon tiède et clair du soleil automnal,
    Je m’arrache parfois à mon logis banal
    Et, tout entier au rêve ardent qui m’accompagne,
    Je m’en vais lentement le soir vers la campagne.

    Le faubourg est bruyant par où je dois passer :
    Au fond des...