Quand j’ pass’ triste et noir, gn’a d’quoi rire.
Faut voir rentrer les boutiquiers
Les yeux durs, la gueule en tir’lire,
Dans leurs comptoirs comm’ des banquiers.

J’ les r’luque : et c’est irrésistible.
Y s’ caval’nt, y z’ont peur de moi,
Peur que j’ leur...

Poet: Jehan-Rictus

L’hiver qui vient, tardif et lent,
Laisse encor les branches flétries
Briller dans le soleil tremblant
Sur les arbres des Tuileries.

Dans le jardin comme autrefois
Elle suit les vieilles allées,
Que le souffle des premiers froids
D’un frisson à peine a...

 

À Emmanuel des Essarts.

Ce n’est pas d’hier que d’exquises poses
Me l’ont révélée, un jour qu’en rêvant
J’allais écouter les chansons du vent.

Ce n’est pas d’hier que les teintes roses
Qui passent parfois sur sa joue en fleur
M’ont...

Poet: Charles Cros

 
Sur l’eau verte, bleue ou grise,
Des canaux et du canal,
Nous avons couru Venise
De Saint-Marc à l’Arsenal.

Au vent vif de la lagune
Qui l’oriente à son gré
J’ai vu tourner ta Fortune,
O Dogana di Mare !

Souffle de l’Adriatique,
...

 
Lace tes brodequins, ma belle, et partons vite.
Noue en un seul bouquet tes cheveux châtain-clair.
Nous irons par les bois. — Le ciel bleu nous invite.
C’est déjà le printemps qu’on respire dans l’air.

Nous prendrons, si tu veux, ce petit chemin jaune
Qui,...

Il faisait un jour blanc & tout chargé d’orage,
Les oiseaux accablés se taisaient sous l’ombrage,
Les herbes se tordaient au baiser du soleil ;
Dans les champs moissonnés les pailles inégales
...

 
Combien mélancolique était la promenade
Trois par trois, en automne, aux fins d’après-midi,
Lorsque nous traversions un faubourg engourdi
Où sortait des maisons pauvres une odeur fade.
 
En longue file noire et morne, nous allions
Comme enrégimentés et...

S’il m’arrive un matin et par un beau soleil
De me sentir léger et dispos au réveil,
Et si, pour mieux jouir des champs et de moi-même,
De bonne heure je sors pour le sentier que j’aime,
Rasant le petit mur jusqu’au coin hasardeux,
Sans qu’un fâcheux m’ait dit : « ...

 
Arrête, gondolier ; que ta barque un moment
Cesse de fendre les lagunes :
L'essor qu'elle a reçu va mourir lentement
Sur les sables noirs de ces dunes.
Gondolier, je reviens : je viens dans un moment
Prêter l'oreille aux infortunes
De Clorinde et de...

 

Lorsque j’ai travaillé, pensif, sur mon pupitre
Tout le jour, sans voir même éclater à la vitre
Le rayon tiède et clair du soleil automnal,
Je m’arrache parfois à mon logis banal
Et, tout entier au rêve ardent qui m’accompagne,
Je m’en vais lentement le...