Promenade

 
Combien mélancolique était la promenade
Trois par trois, en automne, aux fins d’après-midi,
Lorsque nous traversions un faubourg engourdi
Où sortait des maisons pauvres une odeur fade.
 
En longue file noire et morne, nous allions
Comme enrégimentés et nous parlant à peine
A travers la banlieue isolée et malsaine
Ecoutant dans le soir mourir les carillons.
 
Nous subissions déjà le coudoiement hostile
Des compagnons méchants qui nous faisaient souffrir :
Car ce sont les plus doux qu’on s’acharne à meurtrir.
Les plus inoffensifs des oiseaux qu’on mutile.
 

Nous marchions vers les champs comme des orphelins.
Sans jouer, sans pouvoir cueillir des fleurs aux berges ;
Quelques orgues pleuraient au loin dans des auberges
Et le ciel s’endeuillait aux ailes des moulins.
 
Parfois des paysans, au bord d’un pré qu’on fauche,
Tristes en nous voyant l’allure dans le vent
Des troupeaux résignés qu’un chien pousse en avant,
Nous tiraient leur bonnet avec un geste gauche.
 
Mais quand nous rentrions en ville, aux soirs tombants,
Si nous croisions le long des murs percés de grilles
Un long pensionnat de pâles jeunes filles
Portant des chapeaux ronds sans fleurs et sans rubans,
 
Et si l’une aux yeux clairs avec un fin corsage
Où des seins nouveau-nés suspendaient leurs fardeaux,
Avec des cheveux blonds long-tressés sur le dos,
Si l’une avait souri doucement au passage,
 
Le rêve était exquis ! et, rentrés au dortoir,
— La mémoire des yeux nous aidant la pensée
C’était quelque lointaine et vague fiancée,
Et nous nous endormions, l’ayant aimée un soir !

Collection: 
1913

More from Poet

L'hostie est comme un clair de lune dans l'église.
Or les songeurs errants et les extasiés
Qui vont par les jardins où dans une ombre grise
Des papillons fripés meurent sur les rosiers,

Ceux que la nuit pieuse a pour catéchumènes
Regardant l'astre à la chevelure d'...

On aura beau s'abstraire en de calmes maisons,
Couvrir les murs de bon silence aux pâles ganses,
La vie impérieuse, habile aux manigances,
A des tapotements de doigts sur les cloisons.

Dans des chambres sans bruit on aura beau s'enclore,
On aura beau vouloir, comme...

Ses yeux où se blottit comme un rêve frileux,
Ses grands yeux ont séduit mon âme émerveillée,
D'un bleu d'ancien pastel, d'un bleu de fleur mouillée,
Ils semblent regarder de loin, ses grands yeux bleus.

Ils sont grands comme un ciel tourmenté que parsème
- Par les...

Ah ! Vous êtes mes soeurs, les âmes qui vivez
Dans ce doux nonchaloir des rêves mi-rêvés
Parmi l'isolement léthargique des villes
Qui somnolent au long des rivières débiles ;

Ames dont le silence est une piété,
Ames à qui le bruit fait mal ; dont l'amour n'aime...

Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure,
Tout brodés, restent blancs, d' un blanc mat qui figure
Un printemps blanc parmi l'hiver de la maison.
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison

Pareilles dans le soir à ces palmes de givre
Que sur les...