• Je te reviens, ô paroisse natale.
    Patrie intime où mon coeur est resté ;
    Avant d'entrer dans la nuit glaciale,
    Je viens frapper à ton seuil enchanté.

    Pays d'amour, en vain j'ai fait la route
    Pour saluer encore ton ciel bleu,
    Mon oeil se mouille et ma chair tremble toute,
    Je viens te dire un éternel adieu.

    Oh ! couchez-moi dans la tombe...

  • Mon seul amour ! embrasse-moi.
    Si la mort me veut avant toi,
    Je bénis Dieu ; tu m'as aimée !
    Ce doux hymen eut peu d'instants :
    Tu vois ; les fleurs n'ont qu'un printemps,
    Et la rose meurt embaumée.
    Mais quand, sous tes pieds renfermée,
    Tu viendras me parler tout bas,
    Crains-tu que je n'entende pas ?

    Je t'entendrai, mon seul amour !
    ...

  • Il est un arbre au cimetière
    Poussant en pleine liberté,
    Non planté par un deuil dicté, -
    Qui flotte au long d'une humble pierre.

    Sur cet arbre, été comme hiver,
    Un oiseau vient qui chante clair
    Sa chanson tristement fidèle.
    Cet arbre et cet oiseau c'est nous :

    Toi le souvenir, moi l'absence
    Que le temps - qui passe - recense...
    ...

  • J'ai vécu, je suis mort. - Les yeux ouverts, je coule
    Dans l'incommensurable abîme, sans rien voir,
    Lent comme une agonie et lourd comme une foule.

    Inerte, blême, au fond d'un lugubre entonnoir
    Je descends d'heure en heure et d'année en année,
    À travers le Muet, l'Immobile, le Noir.

    Je songe, et ne sens plus. L'épreuve est terminée.
    Qu'est-ce donc...

  • Bien au delà des jours, des Ans multipliés,
    Du vertige des Temps dont la fuite est sans trêve,
    Voici ce que j'ai vu, dans l'immuable rêve
    Qui me hante, depuis les songes oubliés.

    J'errais, seul, sur la Terre. Et la Terre était nue.
    L'ancien gémissement de ce qui fut vivant,
    Le sanglot de la mer et le râle du vent
    S'étaient tus à jamais sous l'...

  • Au tribunal d'amour, après mon dernier jour,
    Mon coeur sera porté diffamé de brûlures,
    Il sera exposé, on verra ses blessures,
    Pour connaître qui fit un si étrange tour,

    A la face et aux yeux de la Céleste Cour
    Où se prennent les mains innocentes ou pures ;
    Il saignera sur toi, et complaignant d'injures
    Il demandera justice au juge aveugle Amour...

  • Toi, vertu, pleure si je meurs !
    ANDRÉ CHÉNIER.


    Amis, un dernier mot ! - et je ferme à jamais
    Ce livre, à ma pensée étranger désormais.
    Je n'écouterai pas ce qu'en dira la foule.
    Car, qu'importe à la source où son onde s'écoule ?
    Et que m'importe, à moi, sur l'avenir penché,
    Où va ce vent d'automne au souffle desséché
    Qui passe, en...

  • Notre avant-dernier mot
    serait un mot de misère,
    mais devant la conscience-mère
    le tout dernier sera beau.

    Car il faudra qu'on résume
    tous les efforts d'un désir
    qu'aucun goût d'amertume
    ne saurait contenir.

  • Voilà longtemps que je vous aime :
    - L'aveu remonte à dix-huit ans ! -
    Vous êtes rose, je suis blême ;
    J'ai les hivers, vous les printemps.

    Des lilas blancs de cimetière
    Prés de mes tempes ont fleuri ;
    J'aurai bientôt la touffe entière
    Pour ombrager mon front flétri.

    Mon soleil pâli qui décline
    Va disparaître à l'horizon,
    Et sur la...

  • Combien ai-je de fois, le front mélancolique,
    Baisé pieusement ta touchante relique,
    Ô Montcalm ! ce drapeau témoin de tant d'efforts,
    Ce drapeau glorieux que chanta Crémazie !,
    Drapeau qui n'a jamais connu d'apostasie,
    Et que la France, un jour, oublia sur nos bords !

    Devant ces plis sacrés troués par les tempêtes
    Qui tant de fois jadis ont tonné sur...