• Mon frère, sais-tu la nouvelle ?
    Mouflar, le bon Mouflar, de nos chiens le modèle,
    Si redouté des loups, si soumis au berger,
    Mouflar vient, dit-on, de manger
    Le petit agneau noir, puis la brebis sa mère,
    Et puis sur le berger s’est jeté furieux.
    – Seroit-il vrai ? – très vrai, mon frère.
    – À qui donc se fier, grands dieux !
    C’est ainsi que...

  • C’est moi qui suis Dragon, le chien de ce troupeau
    Et Guillot, le pasteur, ce gars de piètre mine
    Qui le long des sillons clopin-clopant chemine,
    Malgré son manteau jaune et malgré son chapeau,

    Est moins berger que moi qui n’ai rien que ma peau.
    Il me laisse pourtant ronger par la vermine
    Et je déserterais, poussé par la famine,
    Si je n’étais...

  • Tondu, pelé, galeux, sans paille dans sa niche,
    L’hiver, il reste au fond de sa maison de bois
    Et, quand il ne pleut pas, par les jours les plus froids,
    Comme un sphinx de granit, gelé sur sa corniche,

    Il s’assied à sa porte, il grelotte, il pleurniche,
    Piaille, allonge son muffle et souffle sur ses doigts.
    Il est plus vaniteux que le fils de vingt rois...

  • Le chien noir me poursuit dans l’orage
    À travers de hideux pays plats,
    Et tous deux, tristes comme des glas,
    Nous passons labour et pâturage.

    Il franchit buisson, mur et barrage…
    Et je n’ai pas même un échalas !
    Le chien noir me poursuit dans l’orage
    À travers de hideux pays plats.

    Et, songeant aux martyrs de la rage
    Qu’on étouffe entre...

  • Quand on rentre, le soir, par la cité déserte,
    Regardant sur la boue humide, grasse et verte,
    Les longs sillons du gaz tous les jours moins nombreux,
    Souvent un chien perdu, tout crotté, morne, affreux,
    Un vrai chien de faubourg, que son trop pauvre maître
    Chassa d’un coup de pied en le pleurant peut-être,
    Attache à vos talons obstinément son nez
    Et...

  • Monstre Inspiration, dédaigneuse Chimère,
    Je te tiens ! Folle ! En vain, tordant ta lèvre amère,
    Et demi-souriante et pleine de courroux,
    Tu déchires ma main dans tes beaux cheveux roux.
    Non, tu ne fuiras pas. Tu peux battre des ailes ;
    Tout ivre que je suis du feu de tes prunelles
    Et du rose divin de ta chair, je te tiens,
    Et mes yeux de faucon sont...

  • Une jeune chimère, aux lèvres de ma coupe,
    Dans l’orgie, a donné le baiser le plus doux ;
    Elle avait les yeux verts, et jusque sur sa croupe
    Ondoyait en torrent l’or de ses cheveux roux.

    Des ailes d’épervier tremblaient à son épaule ;
    La voyant s’envoler, je sautai sur ses reins ;
    Et, faisant jusqu’à moi ployer son cou de saule,
    J’enfonçai comme un...

  •  
    S’il est vrai que les amoureux
    Sont partout et toujours heureux
    En germinal comme en brumaire
    C’est qu’il n’est pas d’effroi pour eux
    Car ils ont foi dans la chimère.

    S’ils aiment les sentiers ombreux
    Et la paix des soirs vaporeux
    Et la nature, auguste mère
    S’ils sont rêveurs et langoureux
    C’est qu’ils adorent la Chimère.

    On...

  • Protée est mon parfait emblème :
    Nul jamais ne peut me saisir...
    Je porte un riant diadème
    Formé des roses du plaisir !

    Mon sourire inspire l'ivresse ;
    Mon regard fait germer des fleurs...
    Je suis la grande enchanteresse
    Qui promet l'oubli des douleurs !...

    Mais, aux caresses de mes songes,
    L'homme follement délecté
    Veut en vain par...