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    Oh ! pourquoi suis-je né dans la première aurore
    D’un avenir que nul prophète n'a prédit,
    Pour qu’en entrevoyant ce qui n’est pas encore,
    Je trébuche à ce seuil que la lumière dore,
    Et que la mort inévitable m’interdit !

    O siècles, millions et millions d’années !
    Pourquoi donc, arrêtant mon âme dans son vol,
    M’avoir jeté parmi les mornes...

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    Les étoiles, au Nord lentement effacées,
    Sont des tisons mourants sur des piliers d’airain,
    Et l’ombre, plus profonde autour de mes pensées,
    S’abaisse sur mon front comme un ciel souterrain.

    Et, spirale attirante et que semblent descendre
    Des lumières qu’effare une haleine d’en bas,
    Comme un gouffre se creuse en un sol fait de cendre,
    L’abîme...

  • Pendant trois jours entiers et trois nuits, sans repos,
    Défilèrent toujours les lugubres troupeaux :
    Et cet amas de boue et de souffrance vive
    S’engouffra sous les arcs de la grande Ninive,

    Et Shin-Akhé-Irib resta droit sur son char.

    La quatrième aurore éclaira le Shinar :
    Le Conquérant, toujours splendide et taciturne
    En son manteau roidi par la...

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    Certes, le rêve est grand de celui qui s’isole
    Entre les murs massifs de son caveau d'airain,
    Et, forgeron cyclopéen de la parole,
    Bâtit dans sa pensée un monde souterrain,

    Et dont l’orgueil jaloux, superbement timide,
    Veut, loin du bruit sans nom des maux inexpiés,
    Ignorer si son œuvre, inutile et splendide,
    Rayonne sur la Terre ou se meurt à...

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    Vous dont le sang nourrit encor nos muscles souples,
    Héroïques dompteurs de géants étalons,
    De qui la race garde à l’orgueil de ses couples
    L’honneur de ses yeux bleus et de ses cheveux blonds,

    Aïeux obscurs, en qui ma chair eût voulu vivre,
    Sous les bardes de bronze ou sous les torques d’or,
    Dont mon songe obstiné croit encore poursuivre
    La...

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    Nous qui ne verrons pas les vainqueurs revenir,
    Ceints de palmes de flamme et de gloires ailées,
    Et qui n’entendrons pas, sur nos tombes scellées,
    Leurs quadriges, dans le soir triomphal, hennir ;

    Qui n'admirerons pas, du fond des foules blêmes,
    Quelles haines aux bras furieux tresseront
    La couronne d’épine et de sang à leur front,
    Qui ne...

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    Toi dont nous poursuivons, au profond de toi-même,
    L’inconnaissable essence et la pure entité,
    Que la crainte, la foi, l’amour et le blasphème
    Nomment du même nom auguste et redouté,
    Ô Dieu dont la présence autour de nous recule
    Dans l’orbe incessamment élargi de nos cieux,
    Chaque fois que pour nous s’allume, au crépuscule,
          Un astre...

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    Mais quand vous reviendrez du profond de vos veilles,
    Maîtres de la pensée et du savoir futurs,
    O calmes découvreurs des suprêmes azurs,
    Quand, las du faix conquis des lointaines merveilles,

    Lourds des derniers secrets des derniers univers,
    Vous déploierez, pour les nations étonnées,
    Devant le peuple humain, roi de ses destinées,
    Les registres...

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    D’autres hommes, parmi ceux-là qui sont mes frères,
    Saisiront dans leurs poings, la houe au dur tranchant,
    Et du sombre terroir des larves funéraires
    Défricheront la glèbe et rouvriront le champ.

    D’autres encore, avec des ongles redoutables,
    Fouilleront l’inconnu des antiques limons,
    Et, de leurs doigts sanglants, déchiffreront les tables
    Du...

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    L’Orbe du monde, aux jours des Héros et des Dieux
    Était un Bouclier ciselé de batailles,
    Disque d’or qu’enserrait de ses glauques écailles
    L’hydre océane, fleuve aux replis furieux.

    Ombilic de la Terre où le trépied pythique
    S’environnait de monts par la foudre sacrés,
    Dont nul impie en vain n’eût tenté les degrés,
    L’Autel central fumait dans...