Que savons-nous ? Qui donc connaît le fond des choses ?
Le couchant rayonnait dans les nuages roses ;
C’était la fin d’un jour d’orage, et l’occident
Changeait l’ondée en flamme en son brasier ardent ;
Près d’une ornière, au bord d’une flaque de pluie,
Un crapaud regardait le ciel, bête éblouie ;
Grave, il songeait ; l’horreur contemplait la splendeur....
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Ô vivante et visqueuse extase
Accroupie au bord des marais,
Pèlerin morne de la vase,
Des vignes et des bruns guérets,Paria, dont la vue inspire
De l’horreur aux pestiférés,
Crapaud, inconscient vampire
Des vaches sommeillant aux prés ;Infime roi des culs-de-jatte
Écrasé par ta pesanteur,
Sombre forçat tirant la patte
Avec... -
O Créateur, ô Saint, quel est, parmi les êtres
Vivant et t’adorant sur le sol des ancêtres,
Le premier Mazdéen qui reçut avant moi,
Comme un céleste don, ta Parole et ta Loi,
Et qui, t’interrogeant dans le secret mystique,
Connut la double essence et l’origine antique ? —Ahoûra-Mazdâ dit au saint Zarathoustra :
— O fidèle, ô très pur, ton... -
Je crois ce que l’Église catholique
M’enseigna dès l’âge d’entendement :
Que Dieu le Père est le fauteur unique
Et le régulateur absolument
De toute chose invisible et visible,
Et que, par un mystère indéfectible,Il engendra, ne fit pas Jésus-Christ
Son Fils unique avant que la lumière
Ne fût créée, et qu’il était écrit
Que celui-ci... -
L’homme, encore en extase, à sa première aurore,
Vit, au sein de l’Eden, la Poésie éclore ;
C’est la langue de l’Ange et la langue de Dieu,
La langue d’innocence et d’amour en tout lieu.
La Muse, avec le Prêtre, est gardienne de l’âme ;
Du temple intérieur elle entretient la flamme ;
Le vrai barde nous parle un langage divin ;
Le don de poésie... -
IÔ Crémazie ! ô sombre destinée !
Ô dur exil ! ô tombe abandonnée !...
Par la Vie et la Mort
Tu fus trahi ; car même dans ta cendre,
Le Canada n’a daigné te défendre
Contre le sort.Nous te laissions languir aux gémonies
Malgré tes chants, malgré les harmonies
Que ta voix modula ;
Mais une basse et dégradante offense
... -
Les peuples vieillis ont besoin d’un maître ;
Ce n’est plus en eux qu’ils cherchent la loi.
Dans un autre siècle il m’eut fallu naître :
Il n’est point ici de place pour moi.L’idéal qu’avait rêvé ma jeunesse,
...
L’étoile où montaient mes espoirs perdus,
Ce n’était pas l’art, l’amour, la richesse,
C’était la justice ; et je n’y crois plus. -
Voici l’heure décolorée :
La créole a quitté l’ombrelle
Et bâille dans son hamac frêle
Au bruit de la vague éplorée.Les chatoiments du clair de lune
Vont et viennent sur sa peau brune :Cependant que sur l’âpre dune
Les algues soufflent leur parfum.
Plus d’un boa cherchant fortune
Dans la forêt se traîne à jeun,Et les...
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Tricorne galonné, jabot et haute canne,
Tel, jadis, abordant au sable de la crique,
Il vint à Saint-Domingue ou à la Martinique
Cultiver le café, le tabac et la canne.A l'âpre venaison que l'esclave boucane
Il préféra les fruits de la molle Amérique,
Il but les tafias et les rhums en barrique
Sous la véranda fraîche où grimpe la liane.Sa...