La Créole

 
Voici l’heure décolorée :
La créole a quitté l’ombrelle
Et bâille dans son hamac frêle
Au bruit de la vague éplorée.

Les chatoiments du clair de lune
Vont et viennent sur sa peau brune :

Cependant que sur l’âpre dune
Les algues soufflent leur parfum.
Plus d’un boa cherchant fortune
Dans la forêt se traîne à jeun,

Et les colibris, un par un,
S’effacent dans le jour défunt.

Gracieux fantôme indistinct,
Elle dort d’un sommeil profond,
Et la couleur de l’air se fond
Avec la couleur de son teint.

Collection: 
1866

More from Poet

Toujours la longue faim me suit comme un recors ;
La ruelle sinistre est mon seul habitacle ;
Et depuis si longtemps que je traîne mes cors,
J'accroche le malheur et je bute à l'obstacle.

Paris m'étale en vain sa houle et ses décors :
Je vais sourd à tout bruit,...

Brusque, avec un frisson
De frayeur et de fièvre,
On voit le petit lièvre
S'échapper du buisson.
Ni mouche ni pinson ;
Ni pâtre avec sa chèvre,
La chanson
Sur la lèvre.

Tremblant au moindre accroc,
La barbe hérissée
Et l'oreille...

Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L'échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.

Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s'y...

Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
Et du sol, çà et là, la violette émerge.

Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
Les grands lointains des bois...

Quand on arrive au Val des Ronces
On l'inspecte, le coeur serré,
Ce gouffre épineux, bigarré
De rocs blancs qu'un torrent noir ponce.

Partout, sous ce tas qui s'engonce,
Guette un dard, toujours préparé,
Qui, triangulaire, acéré,
Si peu qu'il vous pique...