• VIEILLE HISTOIRE

    Pygmalion avait conçu sa Galatée ;
    En elle projetant son rêve intérieur,
    Il la fit si vivante et parfaite en sa fleur,
    Qu’il l’adora, l’ayant trop tendrement sculptée.

    Pâle, à genoux, buvant cette blancheur lactée
    Dont Aphrodite avait animé la froideur,
    Il la priait, le cœur brûlé par sa splendeur :
    Sa...

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    DANS le vieil hôtel catholique
    J’aime surtout la grande cour
    Où veille un fantôme de tour
    Sur lequel un lierre s’applique.

    Un platane mélancolique
    Y garde avec un vague amour
    Une urne à l’austère contour
    Où dort, sans doute, une relique

    Dans sa niche aux coins vermoulus
    La vieille Pomone n’a plus
    De fruits à sa tête meurtrie...

  • Neige endolorissante et morne, tu déroules
    Ta nappe liliale au toit cher que je sais,
    Neige endolorissante, ô neige qui t’écroules !

    Et la maison vieillote aux carreaux verts cassés
    A des airs de jeunesse et de pâle frileuse
    Et ne se souvient plus des contes jacassés :

    Des contes jacassés, au soir, par la fileuse,
    En la cuisine antique où le pot...

  • À CAMÉLINAT, membre de la Commune.

    Voyez ce bâtiment doré,
    Des badauds si fort admiré,
    Mais de solidité factice.
    Cave tassant, gros mur fendu,
    L’étayer serait temps perdu.
        Cette propriété
        Croule de vétusté,
    Il est temps qu’on la démolisse !
     
    Un banquier loge à l’entresol :
    Là, de l’industrie et du sol...

  • Vieille marine. Enseigne noir galonné d’or
    qui allais observer le passage de Vénus
    et qui mettais la fille du planteur nue,
    dans l’habitation basse, par les nuits chaudes.

    C’était d’une langueur, c’était d’une tiédeur
    de fleurs blanches qui, près de vasières, meurent.
    La bien-aimée était apathique et songeuse,
    avec un collier noir à son cou de...

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    Connais-tu la romance
    Qui fait toujours pleurer,
    Que le cœur recommence
    Sans se désespérer ?

    Carl aimait Madeleine :
    Il eût baisé ses pas ;
    Il buvait son haleine :
    — Elle ne l’aimait pas.

    Elle aimait un beau pâtre
    Qui passait sans la voir ;
    Et souvent, près de l’âtre,
    Elle pleurait le soir.

    Le pâtre en la vallée...

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    Près de ses pots de fleurs, à l’abri des frimas,
    Assise à la fenêtre, et serrant autour d’elle
    Son châle japonais, Mademoiselle Adèle
    Comme à vingt ans savoure un roman de Dumas.

    Tout son boudoir divague en bizarre ramas,
    Cloître d’anciennetés, dont elle est le modèle;
    Là s’inscrusta l’émail de son culte fidèle:
    Vases, onyx, portraits,...

  • Gudule est la vieille servante
    Qui nous tint petits en ses bras ;
    L’âge a rendu sa main tremblante ;
    Un long fauteuil retient ses pas.
    Elle est près du foyer qui brille,
    Comme un vieux portrait de famille.

    Allons, Gudule, endormez-vous :
    La cloche va tinter huit coups.

    Dans sa pauvre tête alourdie
    On sent décroître sa raison ;
    Toute...

  • Par l’ennui chassé de ma chambre,
    J’errais le long du boulevard :
    Il faisait un temps de décembre,
    Vent froid, fine pluie et brouillard ;

    Et là je vis, spectacle étrange,
    Échappés du sombre séjour,
    Sous la bruine et dans la fange,
    Passer des spectres en plein jour.

    Pourtant c’est la nuit que les ombres,
    Par un clair de lune allemand,...

  • Cloris, que dans mon temps j'ai si longtemps servie
    Et que ma passion montre à tout l'univers,
    Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
    Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

    N'oppose plus ton deuil au bonheur où j'aspire.
    Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
    Sors de ta nuit funèbre, et permets que j'admire
    Les divines clartés...