• Enseveli dans l’herbe verte
    Sur la lisière d’un grand bois,
    Je recueille, l’oreille ouverte,
    Tous les chants et toutes les voix.

    Tandis que dans un ciel d’opale
    Le soleil rouge disparaît ;
    Souvent je penche mon front pâle
    Vers le sol noir de la forêt.

    Et les yeux fixés sur la mousse,
    Spectacle charmant et profond,
    Je regarde l’herbe...

  • Le chêne au tronc géant, à l’épaisse ramure,
    Plonge dans le granit son pivot monstrueux ;
    Et le vivant réseau de sa rugueuse armure
    Déconcerte l’effort des vents impétueux.
    Deux siècles, trois peut-être et même plus encore,
    Pèsent, sans l’incliner, sur son front souverain ;
    Sa grande ombre enveloppe une pente sonore
    Où, de chênes, ses glands ont...

  • Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
    Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
    Qui des vents boréens ont lassé les colères,
    Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
    Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
    Inexpugnable bloc d’immobiles guerriers
    Qui sous le choc prochain des rafales nocturnes
    Pour un instant se font tout...

  • A Madame S. de F.

    A travers la forêt des spontanéités,
    Écartant les taillis, courant par les clairières.
    Et cherchant dans l'émoi des soifs aventurières
    L'oubli des paradis pour un instant quittés,

    Inquiète, cheveux flottants, yeux agités,
    Vous allez et cueillez des plantes singulières,
    Pour parfumer l'air fade et pour cacher les pierres
    ...

  • Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
    Mes herbes sont des cils trempés de larmes claires
    Et mes liserons blancs s'ouvrent comme des paupières.
    Voici les bourraches bleues dont les yeux doux fleurissent
    Pareils à des étoiles, à des désirs, à des sourires,
    Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

    Je suis le corps tout plein d'...

  • C'est icy la forest d'ennuy,
    Ou arbre nesung* fruict ne porte
    Et n'y peut vivre en paix nulluy,
    Tout est layt et de fausse sorte.
    Tout ainsi qu'elle se comporte,
    Melancolie en est la dame,
    Et n'est creature si forte
    Qui contre elle droit y reclame.

    Elle se tient icy bien pres
    En ung chastel moult orgueilleux,
    Et le voit on tantost après...

  • Dans la forêt étrange, c'est la nuit ;
    C'est comme un noir silence qui bruit ;

    Dans la forêt, ici blanche et là brune,
    En pleurs de lait filtre le clair de lune.

    Un vent d'été, qui souffle on ne sait d'où,
    Erre en rêvant comme une âme de fou ;

    Et, sous des yeux d'étoile épanouie,
    La forêt chante avec un bruit de pluie.

    Parfois...

  • Enfuyons-nous, mes amis ! se peut-il
    Qu'à ces bourgeois le destin nous condamne ?
    Allons revoir, dans le rêve subtil
    Où son amant se fait gratter le crâne,
    Titania baisant la tête d'âne.
    Partons, avec nos appâts d'oiseleurs !
    Cherchons les doux sommeils ensorceleurs ;
    Allons au bois riant où Puck s'attarde,
    Voir Fleur des Pois et sur son lit de fleurs...

  • Il chante encor, l'essaim railleur des fées,
    Bien protégé par l'épine et le houx
    Que le zéphyr caresse par bouffées.
    Diane aussi, l'épouvante des loups,
    Au fond des bois cache son coeur jaloux.
    Son culte vit dans plus d'une chaumière.
    Quand les taillis sont baignés de lumière,
    A l'heure calme où la lune paraît,
    Échevelée à travers la clairière,
    ...

  • Ô forêt adorée encor, Fontainebleau !
    Dis-moi, le gardes-tu sur le tronc d'un bouleau,
    Ce nom que j'appelais mon espoir et mes forces,
    Et que j'avais gravé partout dans tes écorces ?

    Elle, enfant comme moi, nous allions, le matin,
    Respirer les odeurs de verdure et de thym,
    Et voir tes rochers gris s'éveiller dans la flamme.
    Puis, quand se reposait celle...