• Si chétive, une haleine, une âme,
    L’orpheline du porte-clés
    Promenait dans la cour infâme
    L’innocence en cheveux bouclés.

    Elle avait cinq ans ; son épaule
    Était blanche sous les haillons,
    Et, libre, elle emplissait la geôle
    D’éclats de rire et de rayons.

    Un bon vieux repris de justice
    Sculptait pour elle des joujoux ;
    L’ancien crime...

  • Échanson, couronne mon verre
    De fleurs aux aromes divers.
    Boire en silence est trop sévère ;
    Prends ta lyre et dis-moi des vers.

    Vertige et cadence ! J’adore
    Les parfums dans la coupe d’or.
    Lorsque résonne ta mandore,
    Un rêve plus moelleux m’endort.

    En ce monde tout est futile,
    Quoi que l’on dise de subtil,
    Hors la coupe d’or qui...

  • Quand sous son déïcide et Titus en fureur,
    Jérusalem maudite eut fermé sa paupière,
    Sans que du temple saint restât pierre sur pierre,
    Le corps seul succomba, trop juste objet d’horreur.

    Mais d’une autre existence un souffle avant-coureur,
    L’âme se dégagea de cette immense bière.
    La nouvelle Sion put revivre en saint Pierre ;
    Le Pape enfin bénit où...

  • Vent, flèche, oiseau, tu passes
    A travers les espaces
    Où le jour s’alluma,
    Brillant Kâma !

    L’ombre diminuée
    Voit flotter la nuée
    De tes parfums ravis
    Aux madhavîs.

    Ton...

  • Armé du ciseau d’or, le divin Praxitèle
    Cherchait dans le paros la Vénus Astarté ;
    Mais il ne trouvait pas. « O Vénus immortelle !
    » Descends du ciel et parle à mon marbre lacté. »

    Du nuage d’argent Vénus descendra-t-elle ?
    » Qu’importe ! s’écria Praxitèle irrité :
    » Daphné, Léa, Délie, Hélène, Héro, Myrtelle
    » Me donnent par fragments l’idéale beauté...

  • Malgré le froid, le ciel est en fête, et l’azur,
    Pâle encore, adoucit la lumière adorable ;
    Penché sur l’horizon, le soleil favorable
    Se répand et ne laisse aucun détail obscur.

    La colline montrant au loin sur un fond pur
    Le profil dépouillé d’un saule ou d’un érable,
    Abrite des maisons blanches, et sur le sable
    De la grève un vieux banc se chauffe...

  • Oh ! qui dira jamais, conque fine et nacrée,
    Dans combien d’océans, pendant combien d’hivers,
    Tu supportas, au choc enflammé des éclairs,
    L’assaut tumultueux de la haute marée !

    Maintenant, sous le ciel, parmi les fucus verts,
    Tu t’es fait un doux lit dans l’arène dorée.
    Mais ton espoir est vain. Longue et désespérée,
    En toi pleure à jamais la voix...

  • Quand le poëte passe en l’avril de sa vie,
    Il cueille avec amour les fleurs de son chemin,
    La grappe du lilas, l’étoile du jasmin,
    Le doux myosotis dont son âme est ravie.

    Tantôt c’est pour Ninon, tantôt c’est pour Sylvie ;
    Pour orner le corsage ou pour fleurir la main ;
    — Souvenirs de la veille — espoir du lendemain,
    O poëtes, cueillez ! le ciel vous...

  • Un long silence pend de l’immobile nue.
    La neige, bossuant ses plis amoncelés.
    Linceul rigide, étreint les océans gelés.
    La face de la terre est absolument nue.

    Point de villes, dont l’âge a rompu les étais,
    Qui s’effondrent par blocs confus que mord le lierre.
    Des lieux où tournoyait l’active fourmilière
    Pas un débris qui parle et qui dise : J’étais...

  • C’est une grande allée à deux rangs de tilleuls.
    Les enfants, en plein jour, n’osent y marcher seuls,
    Tant elle est haute, large et sombre.
    Il y fait froid l’été presque autant que l’hiver ;
    On ne sait quel sommeil en appesantit l’air
    ...