• La pierre était triste, en songeant au chêne
    Qui libre et puissant croît au grand soleil,
    Du haut des rochers regarde la plaine,
    Et frissonne et rit quand l’air est vermeil.

    Le chêne était triste, en songeant aux bêtes
    Qu’il voyait courir sous l’ombre des bois,
    Aux cerfs bondissants et dressant leurs têtes,
    Et jetant au ciel des éclats de voix.

    ...
  • Oui, certes, la matière était splendide et pure
    Dans laquelle les doigts de la grande Nature
    Ont avec tant d’amour ciselé sa beauté ;
    Et rien n’est glorieux comme cette fierté
    Tranquille, dont l’ampleur souple et majestueuse
    Revêt nonchalamment sa grâce fastueuse.
    J’aime son front de marbre impassible, et son œil
    Où rayonne le froid soleil de son...

  • Longuement poursuivi par le spleen détesté,
    Quand je vais dans les champs, par les beaux soirs d’été.
    Au grand air rafraîchir mes tempes,
    Je ris de voir, le long des bois, les fiancés
    Cheminer lentement, deux par deux, enlacés
    ...

  • Veux-tu, sur les grands monts aux vertes chevelures,
    Où l’haleine des soirs balsamiques t’attend,
    Voir aux molles lueurs de Vesper hésitant,
    Des chevriers tardifs les étranges allures ;

    Et sur ces flancs ouvrés en mille dentelures
    Me dire ces vieux airs où le cœur se plaît tant,
    D’une bouche enfantine et le sein palpitant
    Comme un doux gonflement de...

  • Pareille en ton caprice aux reines d’Orient,
    Bizarre déité, qui fais en souriant
    Mourir ceux qui venaient de s’enivrer la tête
    Aux parfums de ton corps, à la brûlante fête
    Que leur donnaient tes seins d’où ruisselait l’amour :
    — Reine, malgré la mort, quand apparaît le jour,
    Malgré ta cruauté tranquille, et les mensonges
    De tes bras repliés pour...

  • Oh ! si tu pouvais, comme la sirène,
    Emporter mon cœur dans le fond des eaux,
    Dans un clair palais, où tu serais reine,
    Dans un palais clair tout rempli d’oiseaux,

    Où près des bassins faits de porcelaine,
    Pleins de nénuphars et de longs roseaux,
    Je m’endormirais en ta chère haleine,
    Sentant sur mon cœur la fraîcheur des eaux.

    Oh ! si tu pouvais...

  • Accoudé quelquefois derrière ma persienne,
    Que le soleil discret visite obliquement,
    Je regarde passer une parisienne
    Qui s’éloigne d’un leste et gai sautillement.

    Avec son air mutin, son bonnet de dentelle
    Posé sur ses cheveux comme un blanc papillon,
    Sa robe à chaque pas soulevée autour d’elle,
    Elle fuit, elle fuit, gracieux tourbillon,

    Et...

  • O Vénus de Milo ! ma chère statuette,
    Seul reste d’un amour comme toi mutilé,
    Mon cœur, mon pauvre cœur, qui souffre et qui regrette,
    En ces strophes t’adresse un soupir désolé ;

    Je crois que tu dois bien comprendre ma tristesse,
    O chef-d’œuvre incomplet ! — comme tout ici-bas. —
    Où puis-je mieux pleurer, poëte sans maîtresse,
    Que sur le sein meurtri...

  • Sans relâche, depuis mille & huit cents années,
    Sous tous les ciels, le long des routes étonnées
    De ce passant ancien qui revenait toujours,
    Ahasvérus marchait, la tête & les pieds lourds.

    L’antique lassitude écrasait ce pauvre homme ;
    Et, tandis que, sans halte & sans espoir de somme,
    Il se traînait comme un blessé qui voudrait fuir,
    Cinq...

  • Des perles encor mouillent son bras blanc.
    Couchée en un lit de joncs verts & d’herbes,
    Le sein ombragé d’un rameau tremblant,
    Au bruissement des chênes superbes,
    Aux molles rumeurs des halliers épais,
    Non loin de la source elle rêve en paix.
    Tandis qu’au rebord des souples lianes,
    Sur son reflet nu se figent pâmés
    Les flots du bassin, lèvres...