Le Parnasse contemporain/1866/Tristesse des choses

La pierre était triste, en songeant au chêne
Qui libre et puissant croît au grand soleil,
Du haut des rochers regarde la plaine,
Et frissonne et rit quand l’air est vermeil.

Le chêne était triste, en songeant aux bêtes
Qu’il voyait courir sous l’ombre des bois,
Aux cerfs bondissants et dressant leurs têtes,
Et jetant au ciel des éclats de voix.

La bête était triste, en songeant aux ailes
De l’aigle qui monte à travers le bleu
Boire la lumière à pleine prunelles…
Et l’homme était triste, en songeant à Dieu !

Collection: 
1971

More from Poet

  • Les êtres pour le Sage ont l'aspect de fantômes ;
    Vaine agitation de forces et d'atomes,
    Un mouvement sans but tourmente l'univers,
    Que sans but réfléchit l'eau calme de mes vers.

  • Tout est mensonge : aime pourtant,
    Aime, rêve et désire encore ;
    Présente ton coeur palpitant
    À ces blessures qu'il adore.

    Tout est vanité : crois toujours,
    Aime sans fin, désire et rêve ;
    Ne reste jamais sans amours,
    Souviens-toi que la vie est brève...

  • Le sage aime la paix et la douceur des plantes,
    Leurs regards féminins et leur sérénité,
    Et le sage aime aussi les bêtes nonchalantes
    Qui dorment près de lui dans l'immobilité.

    Le soir, quand il succombe au lourd poids de la vie,
    Qu'il est las de penser et de rêver...

  • Ô nuit, ô belle nuit, pâle comme sa chair :
    Je rêve au passé mort, je rêve au passé clair...

    Je revois ta chair pâle, et rêve aux heures mortes,
    Où notre joie, où notre extase étaient si fortes !

    Le rossignol des nuits d'alors ne chante plus :
    Je songe à tes...

  • La nuit splendide et bleue est un paon étoilé
    Aux milliers d'yeux brillants comme des étincelles,
    Qui fait la roue et marche, ou vole et bat des ailes
    Devant ton trône, Allah, à nos regards voilé.