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    Le long d’une muraille aux pierres immobiles,
    Tous, anxieux de vivre et joyeux de souffrir,
    Nous traînons notre honte et nos espoirs débiles,
    Entre l’horreur de naître et l’horreur de mourir.

    Ce mur est là depuis si longtemps, et si sombre
    Est le morne appareil de son bloc fruste et noir,
    Que des siècles sans âge et des vivants sans nombre,
    ...

  • Mais de la foule un homme, un prisonnier, bondit.

    L’extase qui le dompte emplit ses yeux arides :
    En vain un siècle entier dans l’ampleur de ses rides
    Inscrit en plis d’airain son orbe révolu,
    Les calmes pectoraux de son torse velu
    Roulent superbement sur sa large poitrine.
    Le souffle prophétique, en gonflant sa narine,
    D’un surhumain orgueil sous ses...

  • Tu m’entendras, Géant héritier du Rebelle !
    Je hurlerai si haut dans la nue et le vent,
    Que, dans ma voix, grondant du couchant au levant,
    Des créneaux de Ninive aux pylônes d’Arbèle,
    Tu sentiras passer le cri du Dieu vivant.

    Tu m’entendras, ô peuple insensé qui renies
    L’Elohim qui te livre aux mâchoires des loups.
    Et, sous les fouets de fer et la...

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    … LE LIVRE
    N’étant pas de matière, est en dehors des temps.
    S. CH. L.

    Or, Shin-Akhé-Irib est rentré dans Ninive.
    Dans le sang, dans la boue humaine et la chair vive,
    Il a taillé sa route et creusé son sillon,
    Et de Kar-Dounyas au rocher de Sion
    La fange du massacre a rougi ses semelles :
    Il a pris les petits, éventré les...

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    Qu’importe à ce vivant que je suis, et qui passe
    Sous la stupidité lumineuse du ciel,
    Le muet flamboiement des torches de l’espace
           Et la marche que rien ne lasse
    D’un monde indifférent qu’on nous dit éternel ?

    Qu’importe au créateur d’un univers qu’anime
    Cette fixé splendeur dont le rythme est la voix,
    L’incessant mouvement des forces...

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    La cité monstrueuse et funèbre de l'Œuvre
    Grandissait lentement dans les cieux envahis,
    Où, par l’éclair nacré des écailles trahis,
    Rampaient les anneaux de l’éternelle couleuvre.

    Enracinant au sol ses terribles halliers,
    La muette forêt des hautes colonnades
    Surgissait, étendant toujours, par myriades,
    Le taillis pullulant des fûts et des...

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    Ils marchent, et, plongeant sous le noir firmament,
    Leur houle, irrésistible ainsi qu’un élément,
    Vers l’Astre deviné par delà les terrasses
    Des montagnes, s’étale et meut ses lourdes masses.

    C’est une humanité tout entière en chemin
    Vers la lumière ardente et vers le lendemain.

    Ils rêvent d’un rivage où les levants flamboient,
    Et du Sud...

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    Quand nous aurons levé la pierre de la tombe,
    Quand nous saurons quels dieux nous attendent demain,
    Quand nos regards pourront suivre, sur son chemin,
    La marche sans retour de l’humaine hécatombe...

    Quand les frères muets que nous croyons partis,
    Qui hantent l’autre face invisible du monde,
    Comme le sol des mers au toucher de la sonde,
    ...

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    Nos yeux se sont ouverts dans une aube d’alarmes ;
    Les pas de la déroute et les lourds soubresauts
    Des fourgons étrangers secouaient nos berceaux,
    Les places s’emplissaient de prisonniers sans armes...

    Ce fut un été rouge, et puis ce fut l’hiver,
    Cet hiver où l’on vit tant de sang sur la neige,
    Où toutes, l’une après l’autre, prises au piège,
    ...

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    Elles montent toujours, candides et lustrales,
    Animant du frisson où s’étouffent leurs râles
    La volute d’argent des encens attiédis,
    Vers l'illusoire azur que fleurit de lumières
    Le prestige ancestral des ferveurs coutumières,
    Par l’apparition des pâles paradis,

    Elles montent, et, comme une onde,
    Elles enveloppent le monde
    D’un attentif...