• En la trentième année, au siècle de l’épreuve,
    Étant captif parmi les cavaliers d’Assur,
    Thogorma, le Voyant, fils d’Élam, fils de Thur,
    Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve,
    A l’heure où le soleil blanchit l’herbe & le mur.

    Depuis que le Chasseur Iahveh, qui terrasse
    Les forts & de leur chair nourrit l’aigle & le chien,
    Avait...

  • Ami, tu verras à Venise,
    Dans la cour du palais ducal,
    Ciselés d’une main exquise,
    Deux puits revêtus de métal.

    C’est là que, sveltes, court-vêtues,
    Tout le jour les porteuses d’eau,
    En découvrant leurs jambes nues,
    Plongent & retirent leur seau.

    Au balcon de la haute loge,
    Malade & dévoré d’ennuis,
    Un pâle enfant, le fils...

  • Quand le canot partit, en laissant un frisson
    Aux feuillages du bord qui pendaient sur l’eau claire,
    Elle chantait un air indolent de chanson,
    Et nos voix répétaient le refrain populaire.

    Elle semblait, dans son costume rouge & noir,
    Vêtue étrangement & mise en canotière,
    Une baigneuse au corps lassé qui vient s’asseoir
    Sur le bateau tremblant...

  • Déesse, dis comment ce fut le Roi, ton fils,
    Guerrier pareil aux Dieux, qui façonna jadis
    La Cithare, pieux vainqueur du fleuve sombre,
    Puis inventa les Chants soumis aux lois du Nombre,
    Envolés & captifs & gardant leur trésor
    Comme un voile fermé par une agrafe d’or !
    Le soir baignait de feux les cimes du Rhodope.
    Ces grands monts désolés que...

  • Non, plus pour aujourd’hui, plus de grandes pensées,
    De saintes questions à la hâte embrassées,
    D’énergiques efforts, d’élans fiers & hardis.
    Mon esprit est lassé, mes doigts sont engourdis.
    L’automne est la saison des rêves, nous y sommes,
    Elle parle ; rêvons, & laissons là les hommes,
    Leur bruit & leur destin. Prenons à notre choix
    L’un...

  • O nymphe Thalia, tu naissais ! Frais & verts,
    Les clairs feuillages sous les rayons semblaient rire ;
    Le mot Joie en tes yeux divins pouvait se lire,
    Et sur son chariot Thespis chantait des vers !

    On voyait dans son ode, au bord des flots divers
    Le faune poursuivant la faunesse en délire.
    Et Silène endormi, ronflant comme une lyre
    Sur son âne...

  • Dans les siècles de foi, surtout dans les derniers,
    La grand’ danse macabre était fréquemment peinte
    Au vélin des missels comme aux murs des charniers.

    Je crois que cette image édifiante & sainte
    Mettait un peu d’espoir au fond du désespoir,
    Et que les pauvres gens la regardaient sans crainte.

    Ce n’est pas que la mort leur fût douce à prévoir ;
    ...

  • Les Mongols sont entrés dans les marches dalmates.
    L’air est plein d’un parfum chaleureux d’aromates
    A cause des forêts dont on a vu, trois jours,
    Les arbres résineux fumer sous les cieux lourds ;
    Et la plaine est en feu, vignes, blés & sésames,

    Car les diables mogols aiment les grandes flammes.
    Entre l’aïeul assis dans les cendres du toit
    Et les...

  • Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
    À travers la mitraille & les flots irrités,
    Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
    Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

    Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
    Tu regrettes l’azur & les immensités.
    Le bourgeois se prélasse en tes flancs attristés,
    Et ta quille a...

  • L’impérissable orgueil de mon cœur vient de celle
    Qui daigna sur mon cœur poser son pied divin
    Très-fort & très-longtemps, afin qu’il se souvînt :
    — Depuis, je n’ai connu la douleur que par elle.

    Car j’ai souffert des maux qu’elle n’espérait pas.
    Fier du sillon saignant qu’elle ouvrit dans mon être
    Et qui des Dieux jaloux me fera reconnaître :
    — O...