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        Je possède, en mes doigts subtils, le sens du monde,
        Car le toucher pénètre ainsi que fait la voix.
        L’harmonie et le songe et la douleur profonde
        Frémissent longuement sur le bout de mes doigts.

        Je comprends mieux, en les frôlant, les choses belles,
        Je partage leur vie intense en les touchant.
        C’est alors que je sais ce...

  • Non ! Ce n’est pas toujours le vent
    Qui fait bouger l’herbe ou la feuille,
    Et quand le zéphyr se recueille,
    Plus d’un épi tremble souvent.

    Soufflant le parfum qu’elle couve,
    Suant le poison sécrété,
    La fleur bâille à la volupté,
    Et dit le désir qu’elle éprouve.

    Certaines donnent le vertige
    Par le monstrueux de leur air,
    ...

  • Les choses de l’amour ont de profonds secrets.
    L’instinct primordial de l’antique Nature
    Qui mêlait les flancs nus dans le fond des forêts
    Trouble l’épouse encor sous sa riche ceinture ;
    Et, savante en pudeur, attentive à nos lois,
    Elle garde le sang de l’Ève des grands bois.

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    L’ai-je jamais aimée ou n’est-ce qu’un léger
    Caprice qui m’a fait un moment fleurir l’âme ?
    Ainsi dans les jardins, sous le soleil en flamme,
    Les floraisons d’avril que le vent fait neiger.

    Est-ce elle que j’aimais ou l’amour ? Que m’importe,
    Si j’ai senti mon cœur pavoisé d’un drapeau,
    Si j’ai pendant un jour trouvé le ciel plus beau
    Et joui...

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    À B. MARCEL

    CE n’est pas sur nos maux que la Mer se lamente ;
    Ne berçons plus nos cœurs à la plainte des flots,
    Car nous ne rendrons pas à l’immortelle amante
    Celui que dans l’air vide appellent ses sanglots.

    Ariadne, à Naxos, n’attend plus de Thésée ;
    Les sœurs de Prométhée ont fui le roc amer,
    Les temps sont abolis et la...

  • L’ennui de vivre avec les gens et dans les choses
    Font souvent ma parole et mon regard moroses.

    Mais d’avoir conscience et souci dans tel cas
    Exhausse ma tristesse, ennoblit mon tracas.

    Alors mon discours chante et mes yeux de sourire
    Où la divine certitude s’en vient luire.

    Et la divine patience met son sel
    Dans mon long bon conseil d’usage...

  • XXXVII

    J’eus toujours de l’amour pour les choses ailées.
    Lorsque j’étais enfant, j’allais sous les feuillées,
    J’y prenais dans les nids de tout petits oiseaux.
    D’abord je leur faisais des cages de roseaux
    Où je les élevais parmi des...

  • La pierre était triste, en songeant au chêne
    Qui libre et puissant croît au grand soleil,
    Du haut des rochers regarde la plaine,
    Et frissonne et rit quand l’air est vermeil.

    Le chêne était triste, en songeant aux bêtes
    Qu’il voyait courir sous l’ombre des bois,
    Aux cerfs bondissants et dressant leurs têtes,
    Et jetant au ciel des éclats de voix.

    ...
  • ouï dire avoir été faites en Capharnaüm


    Homme rempli d'orgueil et de curiosité,
    Qui te fait si hardi de rechercher la cause
    Des oeuvres du grand Dieu auteur de toute chose ?
    Et demander un compte à la divinité ?

    Pourquoi plus en un lieu il montre sa bonté,
    Pourquoi diversement ses oeuvres il dispose
    Et disperse ses dons, et quand l'homme...

  • Je vivais au milieu de choses mal unies,
    Demandant au hasard de diriger mes pas.
    Je mettais à mon dieu le masque des folies
    Et le meilleur ami ne me connaissait pas.

    Il s'est fait un été plus divin que les autres,
    Comment résisterais-je à son embrassement ?
    Je marche, confondant mes biens avec les vôtres ;
    Je respire au milieu d'un monde bien...