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    Les grands chênes, pareils à de sombres amants,
    Tordent dans l’air leurs bras où pend leur chevelure,
    Et, debout sous le vent, ont la sinistre allure
    Des mornes désespoirs et des accablements.

    Comme un prince très vieux dont la tête vacille
    Sous le poids des longs jours, le bouleau maigre et blanc,
    Haut et d’argent vêtu, se dresse somnolent
    ...

  • Arbres, grands végétaux, martyrs des saisons fauves.
    Sombres lyres des vents, ces noirs musiciens,
    Que vous soyez feuillus ou que vous soyez chauves,
    Le poète vous aime et vos spleens sont les siens.

    Quand le regard du peintre a soif de pittoresque,
    C’est à vous qu’il s’abreuve avec avidité,
    Car vous êtes l’immense et formidable fresque
    Dont la terre...

  • Quand les terreaux, déjà roussis et purpurins,
    Flamboient, sous les couchants mortuaires d’automne,
    On voit, d’un carrefour livide et monotone,
    Partir pour l’infini les arbres pèlerins ;

    Les pèlerins s’en vont, grands de mélancolie,
    Pensifs, pieux et lents, par les routes du soir,
    Les pèlerins géants et lourds et laissant choir
    Leur feuillage de...

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    AU soleil, le matin, les arbres sont en or ;
    Octobre leur a fait des feuilles précieuses
    Qui tremblent à la brise et, toujours anxieuses,
    Craignent le vent d’automne en qui passe la mort.

    C’est l’immobilité maintenant qu’elles aiment,
    Ou, venant à l’entour des branches voltiger,
    Le souffle inoffensif qui les frôle, léger,
    Et fait luire les...

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    ARBRES qui verdoyez au soleil triomphant,
    O fils harmonieux de la bonne nature,
    Toujours debout, dressant votre fière stature,
    Comment grandirez-vous si rien ne vous défend ?

    La hache sur vos troncs retentit, et vous fend,
    Et vous tombez au sol, avec un long murmure ;
    Un frisson tel agite alors votre ramure
    Qu’on entend, grands vaincus, sur...

  • J’ai des arbres, remplis de bois mort et de trous,
    Gélifs, noueux, tortus, bossus, couverts d’écailles,
    Tronqués et plus moussus que de vieilles murailles,
    Emmantelés de lierre et hérissés de houx.

    Vieux serviteurs bourrus. Le plus rugueux de tous,
    C’est Jean, mon bûcheron. Cet homme sans entrailles
    Surveille les halliers et sonde les broussailles :
    ...

  • L’ombre des arbres dans la rivière embrumée
    Meurt comme de la fumée,
    Tandis qu’en l’air, parmi les ramures réelles,
    Se plaignent les tourterelles.

    Combien, ô voyageur, ce paysage blême
    ...

  • ... C'est qu'ils portent en eux, les arbres fraternels,
    Tous les débris épars de l'humanité morte
    Qui flotte dans leur sève et, de la terre, apporte
    A leurs vivants rameaux ses aspects éternels.

    Et, tandis qu'affranchis par les métamorphoses,
    Les corps brisent enfin leur moule passager,
    L'Esprit demeure et semble à jamais se figer
    Dans l'immobilité...

  • Ils marchaient à côté l'un de l'autre ; des danses
    Troublaient le bois joyeux ; ils marchaient, s'arrêtaient,
    Parlaient, s'interrompaient, et, pendant les silences,
    Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.

    Ils songeaient ; ces deux coeurs, que le mystère écoute,
    Sur la création au sourire innocent
    Penchés, et s'y versant dans l'ombre goutte à...

  • Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
    Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
    Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent,
    Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
    Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
    Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
    Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
    La contemplation m'emplit le...